La pandémie Covid 19 a remis au premier plan les questions de souveraineté nationales en France et en Europe notamment en matière de semi-conducteurs pour le secteur automobile. Dans un article datant du mois d’août 2018 1 nous avions alerté alors sur l’extrême dépendance européenne en matière d’industrie électronique. Le leader mondial et allemand de la robotique industrielle «  Kuka » s’est laissé acquérir en 2016 par le chinois Midea. C’est en 2018 que le chinois Tsinghua Unigroup a racheté le français Linxens positionné sur les connecteurs à carte à puces pour lecteurs électroniques , le paiement sans contact et les contrôles d’identité. Ces deux transactions auraient alors été prohibées aux États-Unis mais dans le contexte d’hyper-libéralisme bruxellois et de manque de réaction des autorités allemande et française, les investisseurs chinois ont permis à la Chine de se renforcer sur des segments clés de l’industrie électronique.

Une nouvelle étape de la guerre de l’électronique a démarré depuis plusieurs années lorsque le leader mondial des architectures de processeurs, la société britannique Arm, a créé en 2018 en Chine, sa filiale Arm avec une participation minoritaire. Dans ce contexte les Chinois contrôlent 51 % du capital de ladite société. Ces architectures sont au cœur des mobiles, des tablettes, des ordinateurs et des serveurs, des téléviseurs ou des supercalculateurs. Les plus grandes sociétés de technologie sont clientes de Arm.

Ce n’est pas un hasard si le leader mondial États-unien des cartes graphiques, la société Nvidia cherche à mettre la main sur Arm, mise en vente par le groupe japonais d’investissement Soft Bank depuis 18 mois à la suite de difficultés financières. Nvidia a réalisé en 2020 plus de 13 milliards $ US de CA avec un résultat net de 3,57 milliards de $ US. Plusieurs autorités de régulation dont l’Europe n’ont toujours pas donné leur accord sur cette transaction. En effet le contrôle de Arm donnerait un poids démesuré à son acquéreur au sein du secteur informatique et électronique.

Or il semblerait que les technologies transférées à Arm China par sa maison-mère britannique soit passées sous le pilotage d’une société locale totalement contrôlée par le dirigeant chinois de Arm China. Cette société locale bénéficierait de transferts de propriété intellectuelle organisés par Arm China. Les cadres britanniques au sein de Arm China étant désinformés par la Direction locale ou perdant le contrôle opérationnel des affaires, la maison-mère britannique aurait bloqué les transferts de technologie sur les architectures de dernière génération pour faire cesser des transferts non souhaités !

Les Chinois n’ont probablement pas oublié les traités inégaux avec les Européens, dont le traité de Nankin en 1848, qui a ouvert le territoire chinois à l’opium britannique (1ère guerre de l’opium), outre l’accès à cinq ports dont Shanghai et la cession de Hong Kong à la Grande-Bretagne. Cette guerre menée victorieusement au moyen de la supériorité technologique de marine britannique aurait permis d’écouler dès 1858 près de 10.000 tonnes d’opium à près de 100 millions de consommateurs chinois occasionnels et réguliers. De plus les Britanniques ont obtenu l’accès au marché chinois pour leur industrie textile sans droits de douane.

Mais c’est dans le cadre de la seconde guerre de l’opium en 1860 que les Anglais se sont adjoints les services militaires des Français (Intervention approuvée et appuyée par Napoléon III) avec l’accord des États-Unis et de la Russie non seulement pour renforcer leurs avantages commerciaux mais aussi pour mieux contrôler ce marché avec l’ouverture de six ports supplémentaires, la liberté de navigation sur les principaux fleuves et des avantages tarifaires supplémentaires. Le 18 octobre 1860 le sac du « Palais d’été chinois » ancienne résidence des empereurs mandchous et joyau architectural a rajouté à l’horreur de cette guerre en organisant la destruction d’une partie significative du patrimoine chinois et de fait du patrimoine de l’humanité. Dans ce pillage organisé une partie des œuvres a atterri dans des musées européens ou chez des trafiquants locaux pour y être revendue. Des œuvres d’art et des ouvrages d’une valeur inestimable ont donc quitté le territoire chinois et selon les experts c’est comme si l’on avait mis à sac : Versailles, le Louvre et la Bibliothèque Nationale. A l’issue de ce sac l’ambassadeur britannique a pris la décision de faire brûler le « Palais d’été », ce joyau culturel mondial construit en bois de cèdre pour venger la mort de plusieurs européens.

Tous ces éléments n’ont pu que laisser des traces dans la mémoire chinoise. La prise de contrôle de manière pacifique des entreprises de technologie occidentales, pour lesquelles la législation chinoise permet un contrôle à 51% de leur capital, ne pourrait être que la manifestation d’une mémoire longue. Une mémoire qui se rappelle au souvenir des européens, et des Britanniques en particulier dans le cas de l’entreprise Arm, pour la mise en œuvre de traités inégaux au 18 éme et au 19 éme siècles.

1 https://www.andese.org/andese/messages-du-president/425-une-industrie-electronique-europeenne-puissante-existera-t-elle-un-jour.html

 

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