Lorsque le 26 avril dernier, le PDG de Total Energies, Patrick Pouyanné a annoncé qu’il envisageait de faire de New-York la place principale de cotation du Groupe cette nouvelle a été accueillie négativement par nos dirigeants politiques. Le groupe dispose d’un CA consolidé de 237 Mds € en 2023 avec un résultat net de plus de 19 Mds € sur la même période et plus de 100 000 employés au niveau mondial. Difficile d’imaginer qu’un des fleurons du CAC 40 avec des activités stratégiques et leader en matière énergétique puisse prendre de la distance avec le pays qui l’a créé et positionné en pointe de la profession au niveau mondial. Selon le communiqué de presse du 20 mars 2024 diffusé par Total Energies le groupe est en 2023, comme en 2022, la major la plus rentable affichant une rentabilité sur capitaux employés de 19%, tout en étant la major qui investit le plus dans la transition énergétique.

La proportion d’actionnaires américains se rapproche des 50 % du capital du groupe et pour son PDG, disposer d’une cotation principale à New-York faciliterait l’accès aux actions pour les investisseurs américains. Blackrock le premier fonds de gestion d’actif au monde détient 6% de Total Energies et Amundi, filiale du Crédit Agricole et leader européen de la gestion d’actifs, détient 4,9 % de cette entreprise multi-énergies. Cependant le dépassement du seuil de 50 % pour les actionnaires américains ne pourrait qu’avoir un impact sur les stratégies du groupe qui dans le domaine de l’énergie ont une composante éminemment géopolitique. Ce qui n’est pas précisé c’est qu’une cotation principale sur la place de New-York tirerait l’action vers le haut compte tenu d’un environnement politique plus favorable aux industries fossiles aux Etats-Unis. En effet le groupe subit en France et en Europe les pressions de groupes politiques qui l’accusent de mettre en œuvre trop lentement les recommandations du « Pacte Vert » en matière climatique ou de pratiquer l’écoblanchiment. De plus ces groupes apprécieraient également une taxation sur les superprofits des entreprises laquelle n’a pas d’équivalent aux EUA.

Total Energies, qui est le premier groupe européen et le cinquième au niveau mondial est le résultat d’une politique initiée par l’Etat Français et le président Raymond Poincaré à l’issue de la première guerre mondiale pour assurer l’indépendance énergétique du pays. Il a absorbé en septembre 1999 son concurrent Elf ce qui l’a mis dans le peloton de tête des entreprises françaises et positionné alors comme le 4ème major pétrolier à l’échelle mondiale.

C’est aujourd’hui un groupe présent dans plus de 130 pays, qui intervient dans l’extraction pétrolière et gazière sur tous les continents, le GNL notamment aux Etats-Unis, lequel est très demandé en Europe compte tenu des restrictions sur le gaz russe en Europe. Le groupe intervient également dans les énergies renouvelables dont le solaire. Il développe d’autant plus ses activités gazières que le développement de l’éolien, activité alternative que ne fonctionne qu’à 25 % de son temps, appelle à des solutions complémentaires souples et peu polluantes. Le Gaz produit deux fois moins de CO2 que le charbon et ne diffuse pas de nombreuses particules fines comme le charbon devenu l’énergie de référence chez nos voisins allemands.

Jusqu’à présent l’origine française et la localisation de Total Energies en France ne l’ont pas empêché de devenir le major multi-énergies le plus rentable de son secteur tout en étant le groupe le plus engagé parmi les majors dans la transition énergétique, le pétrole et les biocarburants, le gaz naturel et les gaz verts, les renouvelables et l’électricité. C’est par ailleurs parce que le groupe est confronté aux exigences du « Pacte vert européen » lequel a aiguillonné la transition énergétique du groupe en cours de déploiement, qu’il est en avance sur ses concurrents. Total Energies maîtrise une grande partie des technologies et des métiers nécessaires à la transition énergétique laquelle est un des grands chantiers du XXIème siècle. Total Energies est en avance sur ses concurrents dans la transition énergétique. N'oublions pas qu’en 1989 la société Elf, devenue en 1999 partie du groupe Total, remportait l’appel d’offres mondial de « l’Environmental Protection Agency » états-unienne concernant les produits dépolluants à mettre en œuvre à la suite de la marée noire causée par l’échouage de l’EXXon Valdez dans les eaux de l’Alaska ( 40 000 tonnes de brut déversées dans les eaux cristallines de l’océan). Les scientifiques et chercheurs français du bassin de Lacq étaient déjà à la pointe de l’innovation.

On peut comprendre l’attirance des investisseurs nordaméricains pour un tel joyau. Les dirigeants politiques français peuvent-ils laisser cette entreprise plus que centenaire et la plus avancée parmi les majors en ce qui concerne la transition énergétique quitter sa base de cotation principale à Paris pour migrer sur la place de New-York. Cette stratégie serait de facto favorable aux actionnaires mais un Etat peut-il se laisser priver d’une entreprise aussi performante, leader de son domaine dans la transition énergétique, et disposant de leviers possibles d’action sur tous les continents ? La réaction négative de notre Ministre de l’Economie et des Finances à l’idée d’une cotation principale sur le NYSE est tout à fait compréhensible.

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