Les français se sont réveillés pendant plusieurs jours dans un pays ou les nationales et les autoroutes convergeant à Paris ont été coupées par des barrages d’agriculteurs chevauchant leurs tracteurs. Comment en est-on arrivé là ? Il est clair que depuis 1992 et le démantèlement de la PAC qui introduisait alors un tarif extérieur commun, nos paysans ont été exposés progressivement et de plus en plus en plus fortement à la concurrence mondiale dans le cadre d’une politique agricole pilotée par Bruxelles avec l’aval de nos dirigeants.

Les normes administratives et environnementales sur-transposées par l’administration française ont égalent contribué à asphyxier progressivement les agriculteurs et leurs exploitations. Les taxes sur les successions qui accablent les jeunes agriculteurs qui veulent démarrer une exploitation sont clairement décourageantes. L’augmentation progressive des jachères limite également les volumes de production disponibles. Les français découvrent à travers les manifestations de leurs agriculteurs et de leurs éleveurs les effets du Pacte Vert et de la transition écologique, pilotés par Bruxelles avec l’aval des pouvoirs publics français et d’autres États, sur l’économie agricole nationale.

L’utilisation des normes varie selon les pays mais à priori de manière moins stricte en Europe qu’en France. Cette situation a créé des écarts de compétitivité-prix qui sont à l’origine de l’importation de plus des 70 % des fruits et légumes en France et de la réduction phénoménale des productions françaises concernées.

En vingt ans le nombre d’exploitations agricoles a été divisé par deux pour aboutir à près de 515 000 exploitations recensées aujourd’hui. La France a perdu le contrôle de ses productions agricoles et animales et le concept de souveraineté agricole et alimentaire n’est qu’illusoire lorsque les accords commerciaux extérieurs sont pilotés par l’Union européenne avec des pays extérieurs à l’Union. Ceci aboutit à l’importation de poulets ukrainiens qui ne respectent pas les normes sanitaires européennes tout comme l’importation de céréales originaires de ce pays, à l’importation d’agneau et de poudre de lait néo-zélandais et de fruits du cône Sud à bas prix. Le calcul des émissions de CO2 de ces produits qui voyagent sur plus de 20 000 km n’est à priori pas diffusé par les mondialistes et les écologistes de l’U.E. qui négocient des accords ou les produits agricoles sont trop souvent la variable d’ajustement avec des échanges industriels.

L’européisme et la centralisation de l’agriculture au niveau européen détricotent les souverainetés agricoles pas seulement en France mais dans la majorité des pays de l’Union européenne ce qui explique les manifestations de paysans dans nombre de pays de l’Union. Alors que les rapports de la FAO (Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture) annoncent des tensions à venir sur la production mondiale d’aliments, l’Europe fait le choix de produire moins en augmentant les surfaces de jachères, ce qui est pour le moins surprenant. Il est clair que l’exemple donné par la fédéralisation des politiques agricoles au niveau européen brille par ses limites et par la destruction progressive d’un modèle agricole apprécié par les français.

Le Covid a permis de découvrir les limites de notre souveraineté industrielle sur les produits pharmaceutiques et textiles. La pandémie a mis en relief le temps nécessaire pour mettre en place les relocalisations industrielles des entreprises pharmaceutiques et d’entreprises exerçant dans d’autres secteurs.

Le conflit ukrainien a mis en évidence l’intérêt de produire de l’électricité nucléaire et de relancer les centrales françaises dont la maintenance insuffisante, et organisée au moyen d’un sous-investissement, en accélérait l’obsolescence. Ce conflit a permis d’éviter d’aboutir sur un horizon à 5 ans voire à 10 ans au démantèlement de centaines de milliards d’investissement dans les centrales, réalisés pendant 40 ans par l’Etat français et donc par les impôts des français. Ce conflit a contribué à rétablir la souveraineté énergétique du pays !

Il est clair que le niveau européen dans son mode fonctionnement actuel n’est pas adapté au redéploiement de la politique agricole. Il paraît utile de rapatrier la politique agricole en France et de contrôler depuis Paris cette politique. La France versant à l’UE plus de 21 milliards € et en recevant 11 milliards d’aides de cette dernière pour l’agriculture peut se passer des politiques européennes. L’échelon fédéral est loin d’être nécessaire pour les politiques agricoles.

A la lueur de ce qui se passe pour l’agriculture et des ratés nombreux il serait sage d’éviter de fédéraliser d’autres politiques au niveau européen. Des pays comme la Suisse, la Corée et le Japon réussissent brillamment sur le plan économique sans être intégrés à de grandes organisations comme l’U.E. ou autres. Ceci n’exclut pas des partenariats pour ces trois pays avec ces grandes organisations. La Suisse a signé plus de 100 accords avec l’U.E sans en être membre, ce qui laisse à ce pays des marges d’initiative, de souplesse et induit de la performance économique.

L’européisme et la gestion par Bruxelles de politiques mondialisées ont montré leurs limites. Il est temps que les États qui composent l’U.E. reprennent le contrôle de ces politiques et bâtissent une Europe qui respecte la nature et l’identité de chaque État.

L’État français est capable de protéger les dauphins et d’indemniser les pêcheurs lésés par le moratoire sur la pêche de ce cétacé, ce dont nous nous réjouissons. Il est certainement capable de protéger nos agriculteurs d’excès administratifs et environnementaux, et d’une mondialisation débridée et peu respectueuse de la qualité des productions et des aliments.

Nos dirigeants ont annoncé hier des mesures à court terme pour :

- Bloquer la hausse du gazole non routier (GNR).
- Faciliter l’installation de jeunes agriculteurs.
- Mettre en place des aides à la trésorerie pour les exploitants d’un montant de 400 millions €.
- Faciliter la restructuration du vignoble dans plusieurs régions.

Et des mesures à moyen terme ou plus long terme concernant :

- Le contrôle d’importations ne respectant pas les normes européennes spécifiquement pour l’Ukraine (que ce soient les poulets ukrainiens ou les céréales et le sucre provenant de ce pays).
- Les importations provenant de plusieurs européens ne respectant pas les normes sanitaires européennes.
- Le contrôle des importations des pays des 2 cônes Sud (Argentine, Chili, Brésil et Afrique du Sud).
- La mise en place de quotas avec la Nouvelle-Zélande et d’accords de contreparties.
- Le déverrouillage des blocages administratifs franco-français par des mesures de simplification qui libéreront les agriculteurs et leurs entreprises des carcans normatifs et fiscaux.
- La mise en place de contrôles par l’administration pour s’assurer de la bonne application de la loi Egalim tant auprès des centrales d’achats des grands groupes de distribution que des industriels, ainsi que des magasins où les produits sont distribués.
- La reprise du contrôle par Paris sur les accords commerciaux internationaux pilotés par Bruxelles et qui se font au détriment des produits agricoles français et européens.

D’ici le mois de mars et la tenue du salon de l’agriculture à Paris nos gouvernants doivent maintenant démontrer leur capacité à faire mieux en matière de gestion de la politique agricole française. L’objectif est de reprendre le contrôle de la qualité des productions et des aliments pour véritablement assoir la souveraineté agricole et alimentaire en s’appuyant sur la feuille de route décrite ci-dessus.

Il apparaît que la technocratie fédérale, localisée à Bruxelles, n’agit pas nécessairement pour le bien des peuples et des nations européennes en ce qui concerne l’agriculture ! Une reprise en main par la France et les États européens des actions de la Commission sur ce sujet est indispensable.

Au moment où la Commission de l’Union souhaite fédéraliser nombre d’autres fonctions on peut légitimement avoir des craintes alors que ces orientations ne sont pas contrôlées par les peuples et soumises un vote démocratique.

La France pourrait devenir un des porteurs éclairés de cette nouvelle approche en prenant une distance certaine avec l’européisme excessif et les excès de la mondialisation.

Le chemin se dessine pour la construction d’un nouveau modèle européen moins technocratique et plus respectueux des peuples et des nations.

Daniel Bretonès