Nous vivons dans une triple crise :
1. Le développement d’un monde émergent qui vient concurrencer les « vieux pays » grâce à des salaires beaucoup moins élevés et à une certaine limitation des « avantages sociaux ».Ce malaise dure depuis les années 1980 et ne cesse de s’aggraver avec le développement de la qualité des productions de ces pays.
2. Le monde occidental a cru retrouver son essor grâce à de nouvelles formes de Crédit (les dérivés de crédit) quitte à améliorer la protection des opérations financières par des assurances les « Credit Default Swaps ( C.D.S.s) ».
Mais ce développement du Crédit a provoqué une « bulle » qui a explosé en 2007. Le catalyseur a été l’usage dévoyé d’une mesure sociale (les « subprimes ») inventée à l’aire « Clinton » pour faciliter l’accession à la propriété de familles peu fortunées.
Grâce à une large émission monétaire (Plans TALP, TALF, PIPP) les Etats-Unis ont réussi à résorber les plus graves effets de la crise financière, tandis que les Japonais et les Chinois faisaient de même en utilisant, pour développer leurs investissements, la contre-valeur des Soldes de leurs Balances Commerciales
3. La zone Euro a eu une politique plus « classique » d’autant qu’elle se sentait un peu moins concernée, car les plus gros dégâts ont eu lieu aux U.S.A. Mais très vite, la faillite de Lehman Brothers, pour remettre en cause la règle « too big to fail », a entraîné un manque de confiance dans le Monde entier et en particulier en Europe et provoqué une contraction dramatique de la « vitesse de rotation de la monnaie » (les banques renvoyant, par désir de « sécurité », à la Banque Centrale, les fonds que celle-ci leur avait prêtés pour assurer la liquidité du système.).
La situation globale s’est peu à peu améliorée, mais la Banque Centrale Européenne limite, par excès de prudence, son émission monétaire. En effet, ses rachats d’obligations européennes sont compensés par des appels de fonds bancaires à court terme. Cette faiblesse du « MV » a fait apparaître un déséquilibre entre des pays qui, manquant de moyens financiers, se surendettent et ceux qui, grâce à une balance commerciale brillante, ont tendance à oublier que la crise avait eu lieu. Cette troisième crise qui déséquilibre la Zone Euro est loin d’être terminée.
On pourrait penser que ces crises qui rappellent souvent celle de 1929/36 devraient trouver une solution grâce à la connaissance et à la compréhension des évènements d’avant-guerre. Malheureusement la lutte entre Keynes et Robbins n’est pas éteinte et on la retrouve chez les Néo-Keynésiens style Bernanke et surtout Krugman, et chez les Classiques comme Weber ou Lucas.
Certes tout le monde est d’accord sur le besoin de « Confiance » qui seul permettra de réduire les difficultés actuelles. Aussi en analysant ces deux thèses nous essayerons de voir par quels éléments pris dans l’une et l’autre, on pourrait ramener la Confiance du public dans les systèmes financiers.
I) La position classique
L’analyse classique repose sur un certain nombre de postulats :
a) le respect de la Notion de « Marché »
On retrouve inconsciemment l’analyse d’Adam Smith sur la « main invisible ». Le Marché paraît dominateur et refléter des vérités économiques auxquelles on doit se plier. Mais qu’est-ce que le Marché ? Est-ce la Bourse au sens large, en incluant des marchés voisins, celui des taux, celui des devises, celui des matières premières, celui des « produits » plus, ou moins incorporels comme les risques saisonniers sur lesquels on pratique des opérations financières ?
Il se pose alors un problème majeur : Y a-t-il encore un cours fiable ? La « Fair Value » peut-elle exister ?
G.AAP et IFRS essaient de résoudre cette contradiction ; en particulier on cherche à évaluer des produits « sans liquidité ». Les Américains croient avoir trouvé une solution. On calcule ce que devrait valoir un bien en le comparant à un autre faisant l’objet d’une évaluation sur un « marché » à peu près « sérieux » (évaluation Market to Model).
Mais comment connaître le « vrai » cours ? Les marchés se démultiplient. Il y a des marchés réglementés classiques mais aussi les opérations pratiquées en « internalisant » des ordres, des transactions effectuées dans les « MTFs », les « Crossing Networks », les « Black Pools » etc, sans même parler de celles qui sont effectuées sans contrôle de « gré à gré » (ces dernières semblent représenter à New-York près de 45 % des transactions suivant une évaluation de mai 2010). Malgré une tentative de coordination appelée « Best Execution », on voit que les cours ont perdu leur sens traditionnel, ce qui ne facilite pas le retour de la confiance de la « Veuve de Carpentras ».
On peut cependant dire que les cours reflètent encore, mais d’une façon plus approximative que jamais, une certaine réalité économique, aidés en cela par la « spéculation ». Pour les « Libéraux » elle a un avantage majeur : elle sert de révélateur d’une situation et accélère pour un produit donné le passage d’un état « malsain » dont le public n’a pas encore pris conscience à l’état « normal » où il devrait se trouver.
En outre, la spéculation élargit les marchés permettant aux opérateurs importants de traiter de grandes quantités de titres. Cela suppose que la « Veuve de Carpentras », totalement négligée, doit limiter ses investissements à des produits collectifs comme des Assurances-Vie ou des OPCVMs. Ce dernier point est essentiellement européen, car les Anglais et les Américains tiennent à conserver à leurs marchés une importante Clientèle Privée, car elle assure l’existence d’une masse d’ordres, ce qui limite un peu l’excès de puissance des Oligopoles.
b) L’acceptation d’un grand thème « orthodoxe » : la lutte contre l’inflation grâce au Libre-Echange
Le « Libre-Echange » garantit au public les prix les plus bas, améliorant ainsi son niveau de vie, et le protège contre « l’Inflation ». Aussi les statuts de la B.C.E. ne comportent, à la différence de ceux de la Federal Reserve, que l’obligation de lutte contre l’inflation, sans qu’il soit fait de distinction entre l’inflation de demande et celle due à la hausse des coûts. Dans la pratique, la BCE est assez pragmatique et devant la hausse des prix des matières premières et celle des produits importés des pays émergents, le Président Jean-Claude Trichet parle bien d’élever les taux (ce qui serait d’ailleurs inflationniste) mais …ne les modifie pas.
Mais pour que le système du commerce international soit viable, il faut que les pays émergents élèvent leur niveau de vie suffisamment pour que les Balances des Comptes se rééquilibrent. Une autre solution existe : la fin des « beggar their neighbour Policies ». Cela demande que les pays laissent évoluer leurs monnaies vers leur « parité de pouvoir d’achat ». Les Américains demandent ainsi à la Chine de réévaluer de 30 % au moins le Yuan, oubliant qu’un écart existe « en faveur » de l’Euro d’au moins 15 %. Faute de mesures de ce style, on retrouve le risque, d’ailleurs très inflationniste, d’un retour au « protectionnisme ». (Une certaine gauche autour de Mélenchon y est favorable, tandis qu’au Fonds Monétaire, certains économistes comme Lombard, sont favorables à un élargissement de la définition de l’inflation pour soulager les pays endettés).
c) le développement de l’esprit de précaution
Les « Financiers Orthodoxes » sont persuadés que la Crise est due à un manque de liquidités du secteur bancaire et de celui des assurances, d’où Bâle III et Solvency II. Pour eux une augmentation des montants des Réserves des Banques et Assurances (mais pour plaire aux Anglais et aux Américains on a oublié les Fonds de Pension) doit permettre d’éviter un recours au « Prêteur en Dernier Ressort » (solution qui leur paraît d’un « Dirigisme » affreux). On oublie qu’en Europe, Banques et Assurances sont les seuls vrais organismes collecteurs de fonds pour assurer les investissements des entreprises.
A cette analyse « orthodoxe » répond une problématique néo-keynésienne.
II) Comment les néo-keynésiens voient la possibilité d’un retour à la Confiance
Ceux-ci remettent en cause l’analyse « classique » au nom de la « transparence » .Elle seule leur paraît pouvoir redonner « Confiance » au Public : Ils mettent en avant la notion de « Service » du secteur Financier, par opposition à celle d’ « Industrie financière ». Cela condamne deux principes de « l‘orthodoxie » : le rôle de la concurrence des organismes et celui de l’acceptation sans condition de la spéculation.
a) La notion de concurrence
On a incité les Marchés à se faire concurrence et même, en créant des pseudo-marchés, pour concurrencer les Marchés réglementés. Les pires étant les opérations de gré à gré, les opérations « internalisées » et les « Black Pools ». Le but officiel est de réduire par le jeu de la « Concurrence » les coûts des opérations.
On s’aperçoit qu’il n’en est rien. La lourdeur des transactions, le coût des montages concurrentiels d’algorithmes, la multiplication des guerres d’algorithmes entraînent régulièrement des mini-crises boursières dont celle du 6 mai 2010 aura été la plus grave. Tout cela déstabilise les Marchés Officiels.
Or le Public ne connaît que les Marchés réglementés. Par contre, il est parfaitement au courant par les Médias des scandales du type de l’affaire du 6 Mai. Comment peut-il avoir confiance lorsqu’on lui dit que des organismes financiers peuvent faire, à son détriment, des opérations dans des conditions de cours et de frais beaucoup plus favorables que celles qu’on lui impose.
Quant au caractère occulte de ces opérations, aggravées par les revenus royaux accordés aux opérateurs de marché, cela ne peut qu’augmenter la mauvaise opinion que le public a des milieux financiers.
b) la spéculation
Quand on évoque les avantages de la spéculation, on oublie un facteur important. Dans les années 1980, la spéculation représentait de l’ordre de 20 % des opérations et rendait de ce fait les « services » qu’on attendait d’elle. Il n’en est plus du tout de même. Déjà en 1992 Soros avait réussi, à lui tout seul, à déstabiliser la Livre Sterling et il aurait fait de même avec le Franc en 1993 si l’Allemagne n’avait mis tout son poids pour stopper cette spéculation.
Depuis cette date on a encouragé la création de produits de plus en plus déstabilisateurs C.D.Ss, C.F.Ds, qui représentent maintenant près de 60 % des opérations boursières. Les C.D.Ss sont une forme d’assurance de crédits très utile quand ils permettent de protéger un investissement. Mais ils deviennent néfastes lorsqu’ils sont utilisés pour déstabiliser une monnaie (ou même…plus simplement une société).
Les « flash Orders » jouent un rôle encore plus néfaste. Ils peuvent être utilisés pour passer des ordres ordinaires, mais on ne voit pas l’intérêt de les passer en 0,002 secondes plutôt qu’en 2 secondes ce qui est le cas à New-York. Par contre, ils sont le plus souvent utilisés pour influencer le marché par une multiplication d’ordres non faisables, annulés s’il y a un « danger » d’exécution ou pour « tâter le marché », essayant de découvrir l’existence d’ordres importants sur lesquels, grâce à un « aller-retour » quasi immédiat, des opérateurs prélèveront leur « dime », opération dont l’utilité économique paraît assez contestable.
Aussi les pouvoirs publics, sans prendre parti pour ou contre les thèses keynésiennes se penchent sur ces problèmes au nom d’un espoir de retour de la Confiance.
III) Conclusion : La position des Autorités Monétaires et les réformes manquantes
La position des Autorités Financières est à peu près la même dans tous les pays. Au plan macroéconomique, chacun cherche à corriger les excès de la politique « libérale ». Chacun essaie de croire que des restrictions de liquidité du secteur financier ramèneront la confiance.
Dans le domaine microéconomique, chacun désire lutter contre la spéculation « déstabilisante » (interdiction des ventes à découvert « nues », limitation des positions détenues par un opérateur, « Volcker Plan » pour limiter les possibilités des Banques de spéculer avec comme garantie… les fonds de leurs clients, etc.).
A ces mesures, il faudrait ajouter l’espoir que les nouveaux organismes ESMA et FSOC décident de contrôler « ex ante » toutes les nouvelles « innovations » et tous les nouveaux « algorithmes », et, en particulier, taxent les ordres passés, qu’ils soient ou non exécutés (par exemple 1 Dollar par ordre).
Ces réformes se heurtent à la forte opposition du secteur financier ; cela empêche d’aller plus loin (supprimer la concurrence inutile entre Bourses, interdire les opérations de gré à gré, etc.). Ce serait la seule façon de rendre au Cours de Bourse la « transparence » nécessaire qui ramènerait la Confiance.