Introduction

Le 16 avril 2014, le Parlement européen et le Conseil européen avaient voté la directive 2014/55/UE sur la facturation électronique dans les marchés publics. Cette directive appelait à la définition d’une norme européenne commune sur la facturation électronique au niveau sémantique, et à des livrables de normalisation supplémentaires qui devaient renforcer l’interopérabilité au niveau syntaxique. Elle stipulait que les États membres devaient l’adopter afin qu’il devienne obligatoire pour tous les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices de recevoir et de traiter des factures électroniques conformes à la norme européenne.

Depuis le 1er janvier 2020, toute entreprise qui traite avec le secteur public, quelle que soit sa taille, doit transmettre ses factures sous format électronique. A cet égard, l’Agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE) a bâti la plateforme Chorus Pro par laquelle devaient transiter l’ensemble des factures à destination du service public. Ce portail public de l’État, qui avait pour but d’amener l’État à dématérialiser 100 % des factures qui lui seraient transmises selon un échéancier progressif, a démarré le 1er janvier 2017 et s’est terminé le 1er janvier 2020. Au total, la plateforme Chorus Pro concentre les flux de factures électroniques vers toute entité publique (plus de 130 000 à fin 2020).

Obligation communautaire dans les échanges avec la sphère publique, la facture électronique va être élargie en France aux transactions entre entreprises (B2B) assujetties à la TVA entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2025. Il s’agit d’une première étape d’une obligation générale de facturation électronique dans les relations interentreprises (« Business to Business »/BtoB) prévu par l’article 56 de la loi de finances pour 2020.

Après avoir rappelé les avantages de la facture électronique, nous examinerons les changements apportés par l’article 56 du projet de loi de finances (PLF) 2020.

1. Les avantages de la facturation électronique

Les factures et autres documents comptables n’échappent pas au grand courant de la dématérialisation. Pour les entreprises, les avantages de la facturation électronique sont évidents.

A. Le concept de facture électronique

La facture électronique est une facture créée, envoyée, reçue et conservée sous format électronique dans les dispositions légales en vigueur. Elle est garante de trois principes : 1) l’authenticité de son origine : assurance de l’identité de son émetteur; 2) l’intégrité de son contenu : elle ne subit pas d’altération de ses données lors de l’échange et 3) la lisibilité.

On distingue trois types de factures électroniques :

  • Les factures électroniques « EDI » au sens de l’article 289 bis du CGI : grâce à l’EDI, les factures sont transmises électroniquement d’un ordinateur à un autre sous la forme d’un message EDI structuré conformément à une norme convenue entre les parties.
  • Les factures électroniques sécurisées au moyen d’une signature électronique au sens de l’article 289 V du CGI : cet article autorise les assujettis à transmettre par voie électronique des factures sécurisées à l’aide d’une signature et d’un certificat électronique. Aux termes de cet article, constitue une facture électronique sécurisée, une facture ou un flux de factures créé, transmis et archivé sous forme électronique, dans un format qui permet de garantir l’intégrité et la pérennité de son contenu depuis son émission jusqu’à l’expiration de la période de stockage. Les factures sont par exemple éditées en PDF et authentifiées via une signature électronique (« PDF signé »).
  • Les factures au format mixte ou hybride (en anglais « Hybrid Invoice ») dénommées « Factur -X » : ces factures, plus récentes, répondent à la norme NF EN 16931, publiée par la Commission européenne le 16 octobre 2017. Elles contiennent plusieurs formats de fichiers pour être lisibles et exploitables par tous les utilisateurs et les logiciels comptables.

Une facture émise sur support papier et archivée numériquement, ne constitue pas une facture électronique.

B. Les principaux bénéfices liés au passage à la facturation électronique

  • Réalisation d’économies immédiates grâce à la suppression du papier, de l’impression, de l’affranchissement, …
  • Automatisation et rationalisation des processus : rapidité de traitement, réduction des erreur de saisie, sécurisation de l’information, …
  • Réduction des litiges commerciaux et règlements plus rapides du client.
  • Hausse de la productivité et gains de temps.
  • Suppression des frais d’archivage papier.
  • Préservation de l’environnement grâce notamment à la réduction de l’empreinte carbone.
  • Limitation des risques de perte ou de vol.

2. Les changements apportés par le PLF 2020

A compter du 1er janvier 2020, toutes les entreprises quelle que soit leur taille ayant pour client l’État ou les collectivités territoriales ou leurs établissements avaient pour obligation de transmettre leurs factures au format électronique. Le PLF 2020 va encore plus loin dans la généralisation du recours à la facturation électronique.

A. Les objectifs visés

Un rapport de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) intitulé « La TVA à l’ère du digital en France » publié en octobre 2020, relate les quatre objectifs attendus de cette nouvelle réforme de la facture électronique. Ce rapport parle d’une réforme gagnant-gagnant pour les administrations et les entreprises.

  • Renforcer la compétitivité des entreprises grâce à la diminution de la charge administrative de constitution, d’envoi et de traitement des factures au format papier ainsi qu’à la sécurisation des relations commerciales. Le rapport précité de la DGFiP estime que « le coût d’une facture électronique s’établit entre 1,00 € et 2,00 € quand le coût de traitement d’une facture papier oscille entre 12,00 € et 14,00 €.
  • Lutter contre la fraude à la TVA qui représente 20 milliards d’euros chaque année. Selon la DGFiP, un scénario comprenant seulement l’obligation de facturation électronique interentreprise (« e-invoicing ») ne permettrait pas de répondre pleinement aux besoins de l’administration pour lutter contre la fraude. C’est pourquoi il a été envisagé de combiner la facturation électronique avec une obligation complémentaire de transmission de données (« e-reporting »). Celle-ci s’imposera pour les transactions entre professionnels et particuliers (« Business to consumer »/B to C) de façon anonyme, les transactions avec des acteurs étrangers et le statut de paiement des factures. La combinaison de la facturation électronique et de la transmission des données offrira à l’administration la connaissance de l’ensemble des opérations commerciales effectuées par les entreprises soumises à la TVA. Pour la DGFiP, « elle permettra de procéder à des regroupements entre achats et ventes et, partant, de mieux lutter contre la fraude fiscale ».
  • Permettre la connaissance au fil de l’eau de l’activité des entreprises afin de favoriser un pilotage plus fin des actions du Gouvernement en matière de politique économique. Cette nouvelle source d’information s’est montrée particulièrement utile pendant la crise sanitaire de la Covid-19 au printemps 2020, dans les États ayant déjà mis en place la facturation électronique. D’après leur témoignage, les gouvernements de ces États ont pu observer finement, par secteur d’activité et par taille d’entreprise, le niveau de la baisse d’activité. Le rapport de la DGFiP confirme cet état de fait : « grâce à un indicateur disponible en temps réel, les gouvernements de ces pays ont eu à leur disposition des données statistiques macro-économiques d’un grand degré de précision et de réactivité, leur permettant de mieux répondre à la crise en ajustant leur politique économique ».
  • Faciliter, à terme, les déclarations de TVA par le pré-remplissage. La DGFiP y voit un gain de temps pour les entreprises « qui n’auront plus "qu’à vérifier le éléments déjà remplis par l’administration fiscale et à procéder, le cas échéant, à des ajustements ». Par ailleurs, selon le rapport de la DGFiP, « le pré-remplissage est envisagé comme progressif, « de la même manière que celui mis en place pour la déclaration relative à l’impôt sur le revenu (IR) ».

B. Une mise en application progressive de la réforme

La mise en œuvre de l’obligation de la facturation électronique sera étendue dans le temps à l’instar de ce qui a été fait pour le déploiement de la plateforme Chorus Pro pour les factures entre une entreprise et l’administration. Le calendrier de la mise en application sera le suivant :

  • 1er janvier 2023, obligation d’accepter des factures au format électronique, pour toutes les entreprises ;
  • Obligation d’émettre des factures électroniques pour toutes les entreprises : 1) au 1er janvier 2023 pour les grandes entreprises ; 2) au 1er janvier 2024 pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ; 3) au 1er janvier 2025 pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME).

Les solutions techniques envisagées dans le rapport de la DGFiP sont les suivantes :

  • Modèle en V : passage obligatoire par une plateforme publique qui en assure la transmission au client via le cas échéant, des plateformes privées. Ce modèle est basé sur un schéma similaire au système de facturation électronique italien.
  • Modèle en Y : les factures peuvent transiter directement via les plateformes privées certifiées, sans passer par la plateforme publique. Ce modèle se rapproche des systèmes mis en place en Amérique Latine.

3. Conclusion

La transformation numérique de l’État au service de la simplification de l’action publique, de la compétitivité et de la lutte contre la fraude se manifeste aujourd’hui par de nombreuses initiatives. La réforme de la facture électronique prévue dans la Loi de Finances de 2020 participe à ce mouvement d’innovations. Cette réforme représente pour l’Etat un défi ambitieux : permettre non seulement une accélération des délais de paiement mais aussi une meilleure lutte contre la fraude à la TVA, grâce à la remontée des informations liées à la TVA. Cela étant, elle exige un temps d’adaptation et un accompagnement, notamment des microentreprises.

4. Glossaire

Agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE) : Service à compétence nationale chargé de gérer la plateforme Chorus Pro et de proposer des solutions d dématérialisation au profit des personnes publiques et des entreprises.

Authenticité d’un document : Garantie que depuis sa création et sa transmission, un document n’a été ni modifié ni manipulé après sa réception ou son envoi.

Échange de données informatisé (EDI) : Échange automatisé de données structurées d’ordinateur à ordinateur (d’application à application) selon des messages préétablis et normalisés via un mode de communication électronique.

« e-reporting » : Obligation pour les entreprises de transmettre à l’administration fiscale des données de facturation sous format électronique.

Facture dématérialisée : Facture transmise et traitée intégralement de façon électronique.

Fraude carrousel ou carrousel TVA : Technique qui consiste à effectuer des opérations successives d'achat et de vente de marchandises, fictives ou non, pouvant donner lieu à un remboursement de crédit de TVA en déduisant à chaque nouvelle vente le montant de TVA non versée à l'administration fiscale par un précédent vendeur.

Intégrité des données : Propriété assurant que des données n'ont pas été modifiées, insérées ni détruites de façon non autorisée.

Lisibilité : Possibilité d’avoir accès à l’ensemble des informations contenues dans un document.

Signature électronique : Signature numérique répondant aux conditions définies par l’article 1316-4 du code civil, ce qui permet d’authentifier l’acte auquel elle est attachée et d’identifier son signataire.

Signature numérique : Valeur calculée à partir des données d’un message et de la clé privée de son signataire, permettant à la fois de garantir l’intégrité desdites données et la non-répudiation.
Note : La clé publique correspondant au message permet de s’assurer que cette valeur provient bien de la clé privée du signataire et, l’autorité de certification (AC) ayant délivré cette clé publique, garantit le lien avec l’identité du signataire.

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