« La fuite en avant technologique est paradoxale car l’humain ne maîtrise pas la complexité des environnements technologiques, ne les comprend pas, mais est enclin à leur accorder sa confiance et à se soumettre à eux »
Professeure Solange Ghernaouti
A la fin du XVIIIème siècle, on assiste à la 1ère révolution industrielle avec son feu d'artifice d'innovations dans l’industrie du charbon, la machine à vapeur et l’industrie textile. Vers 1870, c'est la deuxième révolution industrielle avec son cortège d'inventions : électricité, industrie chimique, chemins de fer, bateaux à vapeur, automobile. Dans les années 1970-80 apparaît la 3ème révolution industrielle (Jérémy Rifkin, 2006) liée aux techniques de l'informatique, de l'audiovisuel, d’Internet et des télécommunications. Depuis cette période, nous assistons à une fuite en avant technologique qui s’est encore accélérée durant la crise sanitaire du coronavirus.
Comme nous le verrons tout au long de l’article, la pandémie a été un accélérateur de la numérisation aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises. Concernant les entreprises par exemple, un rapport intitulé « Covid-19 Digital Engagement Report » de Twilio affirme que la Covid-19 a été « l’accélérateur numérique de la décennie ». 97 % des décideurs d’entreprise interrogés estiment que la pandémie a accéléré leur transformation numérique.
Cette accélération des développements technologiques comme résultante de la crise de la Covid-19 a été, hélas, accompagnée d’une hausse importante de la cybercriminalité.
1. Accélération de la transformation numérique due à la Covid-19
La crise sanitaire du coronavirus, vecteur de l’accélération de la transformation numérique en France, répond aux idéaux des promoteurs de la fuite en avant technologique pour qui la technologie est censée nous fournir une vie plus facile, plus confortable et plus mobile.
A. La fuite en avant technologique
Dans son ouvrage « Le jour d’après », Philippe de Villiers écrit : « J’ai compris, avec le recul, que le dispositif anti-Covid était à la fois une préfiguration de la félicité numérique et un sas expérimental pour les concepteurs et acteurs du nouveau monde […]. « On nous a invités à se laisser apprivoiser par les plateformes virtuelles. Et elles nous ont conquis ».
Dans un article intitulé « Innovation technologique : en quoi la crise a changé la donne » publié dans Harvard Business Review France, Cyril Bouquet et Leila Delarive soulignent « qu’avec le coronavirus, tout ce qui tourne autour du virtuel a connu un essor considérable[…]. « La crise du coronavirus a fortement accéléré le développement de trois tendances : réalité virtuelle, objets connectés et hyper personnalisation du service client […]. « Cette pandémie nous a démontré que le niveau de confort globalement atteint n’était pas immuable. Ces deux auteurs rappellent à juste titre que nous vivons dans un monde hyperconnecté et « dont la mue s’accélère à une vitesse vertigineuse ».
De son côté, le président-directeur général de Microsoft, Satya Nadella, a révélé avoir été témoin de « deux années de transformation numérique en à peine de deux mois ». Pour celui-ci, la pandémie mondiale de la Covid-19 a été à l’origine d’une accélération sans précédent des processus de numérisation du travail et des activités de production. Il avoue que la Covid 19 a représenté un profit inespéré. Entre octobre et décembre 2020, Microsoft a réalisé le meilleur trimestre de son histoire. Pour ce grand patron, « les règles de distanciation sociale ont apporté « un tout à distance ». Son homologue de Google, Sundar Pichai, a souligné un bond généralisé de l’activité numérique, et auguré un impact « significatif et durable du passage forcé au travail, à l’éducation, aux achats, à la médecine et aux loisirs en ligne ».
Dans un ouvrage intitulé « Covid-19 : La grande réinitialisation », Klaus Schwab et Thierry Malleret évoquent l’accélération de la transformation numérique avec la pandémie.
Enfin, la professeure Solange Ghernaouti, déclare : « Ne serait-il pas temps de saisir le formidable élan « d’ouverture des yeux » que la pandémie a engendré pour aiguiser notre vision sur les vulnérabilités et les risques liés au numérique ? « Outre le nouvel ordre du monde et l’organisation algorithmique de la société instaurés, non maitrisés, les risques cyber sont des facteurs de déclin de la civilisation […]. « Ne serait-il pas temps de considérer notre asservissement au numérique et à ces multinationales emblématiques, pour remettre en question d’une part, notre servitude volontaire à les rendre toujours plus puissantes et d’autre part, notre docilité voire notre soumission aux injonctions électroniques ?
B. Quelques exemples d’accélération
- Le commerce électronique
Avec la crise sanitaire , nous avons assisté au changement de comportement des consommateurs. En effet, en raison des mesures exigeant la fermeture des commerces qualifiés de « non essentiels », les achats physiques se sont déplacés vers le numérique. Les commandes auprès des géants du numérique ont explosé.
Cette modification des habitudes de consommation se reflètent dans les données clés publiées par la Fédération e-commerce et ventes à distance (FEVAD). D’après cet organisme, les ventes sur Internet ont atteint 112 milliards d’euros en 2020, soit une hausse de 8,5 % contre 11,6 % en 2019. Nous pouvons expliquer ce recul par le fait que les ventes de services ont affiché une baisse de 10 %. Dans le contexte de confinement et de fermeture des magasins physiques de produits dits « non essentiels », les Français se sont également rabattus sur les sites de ventes en ligne pour acheter des équipements ménagers.
Le commerce électronique, qui atteignait que 9,8 % du commerce de détail en 2019, en représente aujourd’hui 13,4 %.
Pour la FEVAD, cinq tendances constatées dans le secteur du commerce électronique en 2020 devraient affecter les comportements de consommation en 2021 :
- Les Français n’ont jamais été aussi nombreux à passer leurs commandes en ligne ;
- La fréquence des achats en ligne a été stimulée par le télétravail ;
- L’équipement fourni par l’entreprise a aidé pour faire des achats en ligne (8,9 % des cyberacheteurs sont équipés par leur entreprise) ;
- 30 % des Français ont acheté leurs produits alimentaires en ligne ;
- Les commerces physiques sont de plus en plus connectés (26 % des Français ont acheté en ligne auprès de leur commerce de proximité).
Au sein de la distribution, les places de marché (« market places ») ont été les grandes « gagnantes » de la crise sanitaire. En moyenne sur l’année 2020, les places de marché ont augmenté de 27 %, soit deux fois plus vite qu’en 2019 note la FEVAD.
Enfin, le confinement a incité les consommateurs à privilégier le retrait-auto (« drive ») et le cliqué-retiré (« click and collect »). Ces deux techniques d’achat ont enregistré un bond spectaculaire.
- Le paiement sans contact
Les moyens de paiement sans contact permettent l’usage d’une carte bancaire ou d’un téléphone portable. Ils communiquent avec les terminaux de paiement grâce au protocole de communication appelé « communication en champ propre » ou « Near Field Communication ».
La crise du coronavirus a amplifié le succès du paiement sans contact comme l’a souligné François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France dans une de ses déclarations : « Pendant le confinement, la vente à distance a très fortement augmenté. Après le confinement, […] la vente à distance a eu plutôt tendance à revenir à son niveau d’avant, par contre l’augmentation du paiement sans contact, avec le relèvement de 30 à 50 euros, est spectaculaire ». De son côté, Marion Labouré, économiste chez Deutsche Bank a confirmé que « le virus a clairement accéléré la transition que l’on observait des paiements physiques vers les paiements numériques ». On va de plus en plus vers le paiement sans contact ».
D’après une étude du groupement des cartes bancaires CB, la hausse du paiement sans contact a été de l’ordre de 4% en moyenne, en pleine crise sanitaire de la Covid-19. De manière générale, cette augmentation a été constatée dans les secteurs dits « essentiels comme les boutiques alimentaires, les pharmacies, les centres médicaux, etc.
Le paiement sans contact a certes progressé mais les Français restent toujours attachés aux « espèces sonnantes et trébuchantes ».
- Le télétravail
L’Accord national interprofessionnel (ANI) 2005 étendu en 2006 définit le télétravail comme une « forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information dans le cadre d’un contrat de travail et dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière ».
Il existe différentes formes de télétravail mais en raison de la crise sanitaire, c’est le télétravail à domicile qui a été privilégié. Ce dernier a été facilité par le développement des équipements numériques . D’après l’INSEE, il a permis à 40 % des sociétés restées ouvertes durant le confinement de poursuivre leur activité. Dans une étude intitulée « Activité et conditions d’emploi de la main d’œuvre pendant la crise sanitaire Covid-19 » publiée en avril 2020, la DARES révèle que les salariés en télétravail en avril 2020 représentaient environ un quart des salariés.
La technologie au service du télétravail s’est également illustrée par le recours aux outils de visio-conférence (Zoom, Microsoft Teams, Skype, etc.) qui ont battu des records d’audience. Loïc Rousseau, responsable stratégique des opérations EMEA révèle que chez Zoom, « ils sont passés de 10 millions de participants à 380 millions en mars 2020, pendant le confinement ». De même, Microsoft Teams a enregistré une forte croissance durant la crise sanitaire. « Ils étaient 13 millions d’usagers en juillet 2019, les voici 75 millions à utiliser Teams » déclare Laurent Camus, chef de produit Teams chez Microsoft.
La fuite en avant technologique suscite de nombreuses interrogations : qu’en est-il des conséquences sur l’emploi, sur les relations humaines et sociales, sur l’obsolescence programmée, sur la cybercriminalité, …
S’agissant de la cybercriminalité, l’accélération de la transformation numérique liée à la crise de la Covid-19 a constitué un terreau fertile pour les escrocs en ligne. La pandémie a été un véritable catalyseur de la cybercriminalité.
2. La cybercriminalité a profité du contexte de la crise sanitaire
La crise sanitaire n’a pas fait que des perdants. Dans un article intitulé « L’impact de la Covid-19 sur le commerce électronique » publié sur le site de l’Académie des sciences commerciales, nous avons démontré que la crise sanitaire a entraîné une explosion du trafic internet pour les enseignes de la grande distribution. Finalement, les acteurs du commerce électronique en sont sortis « gagnants », en particulier les géants du numérique qui ont enregistré une très forte expansion de leurs commandes. Ainsi, le patron d’Amazon, Jeff Bezos, a fortement augmenté ses ventes en ligne sur sa plateforme eu égard aux mesures de confinement mises en place aux quatre coins du globe pour faire face à la pandémie. Il vu sa fortune s’accroître de 24 milliards de dollars (soit 22 milliards d’euros) au cours des quatre premiers mois de confinement mondial.
Parmi les « gagnants » de la crise de la Covid-19, nous déplorons la présence des cybercriminels. Depuis l’apparition du coronavirus, les arnaques n’ont cessé d’augmenter. D’aucuns parlent d’une « épidémie d’escroqueries ». 32% des internautes interrogés déclarent avoir été la cible de fraudes liées à la crise sanitaire.
A. Les principales cyberattaques
La crise du coronavirus nous a rendus plus que jamais dépendants de l’informatique pour travailler, communiquer, effectuer des achats, etc. Les cybercriminels ayant profité des vulnérabilités qui ont résulté de cette dépendance, les cybercrimes se sont multipliés.
La journaliste Géraldine Dauvergne rappelle « qu’avec la Covid-19, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ainsi que l’ Autorité des marchés financiers (AMF) s’attendent à une recrudescence des arnaques ». Face au danger, ces deux organismes ont publié un communiqué de presse qui met en garde le public contre les risques d’arnaques dans le contexte de l’épidémie de coronavirus. Dans ces périodes où nous devons nous confiner et où nous faisons un usage accru d’Internet, ils nous recommandent de « redoubler de vigilance face aux campagnes de démarchage téléphonique, aux courriels frauduleux soi-disant adressés par un tiers de confiance (banque, administration, fournisseur d’énergie, etc.) mais aussi aux bannières publicitaires en ligne renvoyant vers des formulaires à remplir ». Comme le soulignent à juste titre l’ACPR et l’AMF, les cybercriminels ont recours à ces techniques de piratage afin de collecter nos données personnelles pour des utilisations frauduleuses.
Parmi les cybercrimes, l’hameçonnage ou « phishing » (cyberattaque la plus populaire) a enregistré une hausse exponentielle. Les pirates profitent de l’incertitude et du relâchement de l’environnement du travail pour lancer de nouvelles campagnes d’hameçonnage et autres cyberattaques. Le moteur de recherche Google a enregistré pas moins de 18 millions d’attaques par jour.
- Hameçonnage
L'hameçonnage consiste à envoyer massivement un faux courriel, apparemment authentique, utilisant l'identité d'une institution financière ou d'un site commercial connu, dans lequel on demande aux destinataires, sous différents prétextes, de mettre à jour leurs coordonnées bancaires ou personnelles, en cliquant sur un lien menant vers un faux serveur Internet, copie conforme du site de l'institution ou de l'entreprise, où le pirate récupère ces informations, en vue de les utiliser pour détourner des fonds à son avantage. Cette pratique frauduleuse touche autant les particuliers que les entreprises de toutes tailles.
L’année 2020 a démontré qu’avec l’accroissement de l’usage d’Internet, les escrocs perfectionnent leurs techniques d’hameçonnage en ciblant mieux et en personnalisant leurs messages afin de piéger les utilisateurs.
En novembre 2020, le rapport annuel de Google a présenté des statistiques alarmantes sur les pratiques d’hameçonnage. Au total, il s’agit de 46 000 sites d’hameçonnage détectés chaque semaine.
Il existe des variantes très redoutables à l’hameçonnage comme le harponnage (« whaling ») qui fait beaucoup de dégâts dans les entreprises.
Le harponnage est un type d'hameçonnage qui cible un cadre dirigeant ou une personne influente. Le cybercriminel se fait alors passer pour la personne ciblée afin de dérober de l'argent ou des informations sensibles.
Il s'agit d'une technique semblable à celle de l'hameçonnage car elle utilise l'envoi de faux courriels pour inciter une cible à effectuer des actions spécifiques, telles que la révélation d'informations confidentielles ou le transfert d'argent.
Cela étant, alors que les tentatives d'hameçonnage ciblent des individus au hasard, le harponnage cible des personnes importantes qui sont considérées comme de "gros poissons" ou des "baleines".
Des recherches en cybersécurité ont permis de déceler que l’accroissement des sites d’hameçonnage a surtout été favorisé par le télétravail, la panique de la pandémie et l’insécurité informatique.
- Fraude au commerce électronique
L’explosion du commerce en ligne s’est accompagnée d’une très forte augmentation des cyberattaques. De la commande de produits jusqu’à leurs livraisons, chaque étape de l’acte d’achat a été la cible des cybercriminels. Pour ce qui est de la livraison par exemple, la société de cybersécurité Checkpoint a révélé que les arnaques à la livraison se sont accrues de 440 % en novembre 2020. Les cybercriminels se font passer pour Amazon, DHL et FedEx, en adressant des courriels « Suivi de colis » ou « Problème de livraison » pour extorquer des coordonnées personnelles. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a alerté les professionnels sur l’existence de nombreuses arnaques à la livraison de marchandises. De faux clients usurpent le nom de distributeurs, voire de transporteurs, pour passer des commandes : les marchandises sont expédiées mais la facture n’est jamais réglée.
- Fraude au niveau des paiements
En 2020, les paiements font partie des secteurs bousculés par la Covid-19. Inquiets face à la pandémie, les Français se sont reportés vers des moyens de paiement dématérialisés qui se sont multipliés comme le montre l’augmentation du paiement « sans contact » ou « à distance ». La crise sanitaire a entraîné une croissance estimée à 30 % en une année pour les seuls achats de biens. Cela étant, l’utilisation de ces modes de paiement ne doit pas faire perdre de vue les risques de fraude. Selon les estimations de l’UFC – Que Choisir, les escroqueries liées au paiement sans contact et à distance devraient accuser une hausse de 20 % et atteindre 600 millions d’euros.
Des chercheurs en cryptographie mettent en garde contre le paiement sans contact qui comporte des failles de sécurité. D’une part, la technologie NFC qui équipe une carte bancaire ou un téléphone mobile est piratable et d’autre part, l’absence d’authentification présente un danger réel en cas de perte ou de vol.
En ce qui concerne les paiements à distance déjà très exposés à la fraude, le recours aux codes à usage unique comme moyen d’authentification n’est plus jugé suffisant et d’aucuns reprochent aux banques d’accuser du retard pour la sécurisation des transactions à distance. Les achats sur des sites de commerce électronique restent problématiques. Pour lutter contre cette insécurité des paiements à distance, la directive européenne révisée sur les services de paiement (DSP2) vise systématiquement le recours à l'authentification forte du porteur de carte pour les transactions à distance.
L’authentification forte s’appuie sur l’usage d’au moins deux éléments parmi les trois catégories suivantes :
- Une information que le porteur est seul à connaître : mot de passe, code secret, code PIN, …
- L’utilisation de son propre appareil : téléphone portable, montre connectée, …
- Une caractéristique personnelle : reconnaissance vocale, faciale, empreinte digitale, …
- Télétravail
Le télétravail , qui s’est intensifié dans le contexte de la crise sanitaire et du confinement, a été une porte ouverte aux cyberattaques. L’usage intensif d’internet et la circulation de milliers de données en ligne (quasi doublement en six mois) ont constitué une aubaine pour les pirates informatiques. En effet, eu égard au confinement, les salariés en télétravail ont utilisé des programmes et des applications non sécurisés, en particulier des plateformes de visioconférence, des messageries instantanées et des solutions de partage de documents. Ces différents outils présentent de graves failles de sécurité, propices à la fuite de données personnelles ou d’informations sensibles ou stratégiques relatives à l’entreprise ou à l’organisme. En outre, le télétravail s’accompagne souvent de l’emploi de réseaux non-sécurisés (ordinateurs ou smartphones personnels) qui vont être à l’origine de cyber risques. Les pirates informatiques, de plus en plus organisés à mesure que les années passent, ont recours à tous les moyens possibles pour tenter de s’introduire dans les systèmes d’information des entreprises, des administrations et surtout des particuliers.
Pour la Professeur Solange Ghernaouti, « le télétravail recommandé pour contribuer à lutter contre la pandémie, n’a fait que stimuler l’ingéniosité des criminels et qu’augmenter le nombre et l’attractivité des systèmes connectés et des flux échangés ».
Nous conclurons ce chapitre sur la multiplication et l’augmentation notable de la cybercriminalité depuis le début de la crise sanitaire par une déclaration d’ Edouard Jeanson, responsable sécurité chez Capgemini France : « En attaquant les infrastructures vitales, en attaquant les entreprises, en attaquant notre système d’information, le but des pirates est de créer une sur-crise à la crise déjà existante ».
B. La cybercriminalité constitue une réelle menace pour l’économie
L’éditeur de solutions McAfee a publié, en partenariat avec le Center of Strategic and International Studies (CSIS), son rapport 2020 sur le coût de la cybercriminalité. D’après ce rapport, la cybercriminalité coûte désormais à l’économie mondiale 1 000 milliards de dollars. Le coût de la cybercriminalité, qui s’est accru de plus de 50 % en deux ans, représente 1 % du PIB mondial.
En France en 2020, la cybercriminalité a été multiplié par quatre par rapport à l’année précédente selon l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI). D’après le Ministère de l’Intérieur ou encore le Club des experts de la sécurité de l’information et du numérique (CESIN), huit entreprises sur dix ont été victimes d’au moins une cyberattaque en 2019. La cybercriminalité inflige aux entreprises des coûts de plus en plus élevés et met en péril l’économie française. Rares sont les secteurs d’activité qui peuvent résister à ces « tsunamis ».
Le secteur financier a toujours été la cible de prédilection des pirates informatiques. Les cyberattaques sont devenues tellement récurrentes dans ce secteur que la cybercriminalité est désormais considérée comme un nouveau risque systémique.
En résumé, la cybercriminalité a un effet négatif sur l’économie, la productivité ou encore la croissance. La menace est bien réelle et il est urgent de la prendre en considération.
Qu’en est-il alors de la cybersécurité pour lutter contre les cyberattaques ? Pour Solange Ghernaouti, « jouer aux cyber pompiers, n’est pas suffisant ». Elle écrit dans un article intitulé « Pandémie et Cyber : faire face » : « encore aujourd’hui, en matière de cybersécurité, nous agissons en « pompiers », nous intervenons après une cyberattaque […].Être réactif, c’est bien mais pas suffisant au regard des conséquences désastreuses que peuvent entraîner des cyberattaques. Il est impératif de pouvoir être plus proactif et de tout mettre en œuvre pour prévenir la concrétisation de menaces. En aucun cas, réaliser des activités sur Internet doit être synonyme d’accepter de devenir une cible de la cybercriminalité et l’objet de pratiques abusives du numérique par ceux qui le maîtrisent et fournissent des services devenus de plus en plus incontournables ». Dans un autre article « Homo numéricus et hyperconnectivité, résister à la colonisation numérique, produire du bien commun », Solange Ghernaouti nous interpelle : « s’il est difficile aujourd’hui de maîtriser la cybersécurité, de réduire les vulnérabilités, de lutter contre la cybercriminalité, d’éviter les dérives, […] qu’en sera-t-il demain avec des systèmes encore plus complexes, plus miniaturisés et invisibles, plus intriqués, interconnectés et interdépendants, plus « intelligents ».
3. Glossaire
ACPR : Autorité administrative indépendante adossée à la Banque de France, qui est en charge de l’agrément et de la surveillance des établissements bancaires et d’assurance ainsi que de la prévention et de la gestion des crises bancaires.
Note : L’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), créée en janvier 2010 à partir de la fusion de la Commission bancaire, de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), du Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et du Comité des entreprises d’assurance, est devenue ACPR depuis la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013.
Autorité des marchés financiers (AMF) : Organisme public indépendant ayant pour mission de veiller à la protection de l’épargne investie dans les instruments financiers et tout autre placement donnant lieu à appel public à l’épargne, à l’information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d’instruments financiers.
Note : Créée par la loi de sécurité financière du 1er août 2003, l’Autorité des marchés financiers est issue de la fusion de la Commission des opérations de bourse (COB), du Conseil des marchés financiers (CMF) et du Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF).
Cliqué-retiré (« click and collect ») : Pratique consistant à faire ses achats en passant ses commandes et en les payant sur Internet, puis à les récupérer soi-même dans un magasin.
Paiement de proximité : Paiement réalisé au point de vente ou sur automate, y compris le paiement en mode sans contact.
Paiement à distance : Paiement réalisé sur Internet, par courrier, par fax/téléphone ou par tout autre moyen.
Place de marché : Espace virtuel en ligne qui permet à des vendeurs indépendants de vendre leurs biens et services sur un grand site marchand comme Amazon moyennant le versement d’une commission sur les ventes réalisées.
Logiciel rançonneur (« ransomware ») : Pratique frauduleuse consistant à verrouiller l'accès à un ordinateur ou à des données personnelles en les chiffrant.
Note : Pour déchiffrer les données avec une clé cryptographique ou disposer de l'équipement ou de la clé permettant de déverrouiller la machine, la victime doit verser une rançon, qui le plus souvent s'effectue à l'aide de bitcoins.
Retrait-auto (« drive ») : Pratique consistant à passer ses commandes via Internet et à venir récupérer ses achats tout en restant dans sa voiture.
Harponnage (« Whaling ») : Pratique frauduleuse consistant pour un cybercriminel à se faire passer pour le dirigeant ou une personne influente et à envoyer de faux courriels exigeant un transfert d'argent ou la communication d'informations sensibles.
Communication en champ proche (« Near Field Communication/NFC ») : Technologie d’échange de données entre différentes puces séparées d’une distance de quelques centimètres.
Note : La communication en champ proche est une application des technologies d’identification par fréquence radio (RFID/Radio Frequency Identification).
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