Résumé de la thèse de Sandra RIGOT-COTELLON
Lauréat Prix ANDESE 2011 / Sciences Economiques

Soutenue le 13 décembre 2010 à l’Université Paris Ouest Nanterre
Directeur de thèse : Mme le Professeur Laurence SCIALOM et
M. le Professeur Michel AGLIETTA

Cette thèse vise à comprendre les investisseurs à long terme sous l’angle de leur allocation stratégique, en se focalisant notamment sur les stratégies des fonds de pension américains.

Son point de départ est un paradoxe du capitalisme mondial contemporain : il existe en effet un manque d’investissement de long terme, malgré l’essor d’acteurs financiers potentiellement à long terme. Cet écart représente un défi majeur car il existe un besoin de financement à long terme aussi bien dans les pays développés qu’émergents. Ce défi est d’autant plus grand que la crise financière a déstabilisé les intermédiaires financiers bancaires et les Etats dans leur capacité de financement de l’économie.

L’idée soutenue dans cette thèse est que les investisseurs à long terme peuvent endosser ce rôle en réorientant l’épargne collectée vers des projets productifs rentables. En effet, ces investisseurs ont un passif de long terme qui leur permet de prendre des risques et d’immobiliser du capital. Or, c’est ce passif qui détermine leurs objectifs assignés : à savoir, préserver dans la longue durée la valeur réelle du capital et viser des rendements réels compatibles avec les engagements du passif. On peut sur la base de cette particularité établir une typologie des investisseurs à long terme potentiels : fonds de pension, compagnies d’assurance, fonds de dotations universitaires, caisse des dépôts, fonds de lissage des retraites, fonds souverains. Dès lors que ces acteurs s’engagent à dégager des flux de revenus sur le long terme, le choix du portefeuille s’avère en effet crucial. Sur la base de cette allocation stratégique découlent des problèmes de gouvernance liés à la délégation.

J’ai choisi pour des raisons pratiques et méthodologiques de circonscrire mon étude aux fonds de pension américains (base de données 1990-2008), en me demandant s’ils se comportaient comme des investisseurs de long terme. De là s’est posée la question de leur relation de délégation aux hedge funds. En effet, le financement de long terme, et donc de l’innovation, passe par des acteurs risqués. Ce financement implique par conséquent une gestion active déléguée. C’est pourquoi cette thèse se présente en deux parties complémentaires : la première porte sur les principes d’allocation et de gouvernance des fonds de pension ; la seconde sur la relation de délégation entre fonds de pension et hedge funds. Quelles sont les conclusions auxquelles j’aboutis quant aux principes de gouvernance des fonds des investisseurs à long terme ?

L’allocation stratégique spécifique aux investisseurs à long terme implique de recourir à une allocation dynamique inspirée d’une généralisation de la théorie standard, autrement dit de prendre en compte la couverture inter temporelle résultant de la corrélation des rendements dans le temps associée au retour vers la moyenne (stratégie contrariante). De plus, si les investisseurs à long terme prennent en compte leurs engagements de passif, une gestion dynamique actif/passif, où le passif devient le benchmark, s’impose dans leur stratégie d’allocation. Ces stratégies propres aux investisseurs de long terme ont des implications en termes de gouvernance. Elles supposent un mode organisationnel de prise de décision d’investissement privilégiant une gestion interne qui soit plus intégrée, en prenant en compte à la fois les préoccupations de long et de court terme, et un recours encadré à la gestion déléguée, maîtrisant la relation de délégation avec les sociétés de gestion externes.

Les analyses statistiques et économétriques indiquent au final que le comportement des fonds de pension américains révèle de nombreux écarts avec les principes de gouvernance des investisseurs à long terme. Ce travail de thèse incite les fonds de pension américains à se doter d’une expertise en interne pour la détermination de leur allocation stratégique, afin de se comporter en véritables investisseurs de long terme. L’appui et le soutien des régulateurs, par l’entreprise d’une réforme allant en ce sens, leur permettraient de s’approprier et de jouer pleinement ce rôle dans le capitalisme contemporain.