En 2005 l’économie américaine a cru de 3,6 % et la bourse de New York a baissé de 0,6%. Le PNB européen dans son ensemble a augmenté de 1,6% (France 1,8, Allemagne 1,4, Italie 0,1) et les bourses européennes ont monté de 25% (CAC de 23,4%, DAX de 27%, etc.) . Peut-on expliquer ce paradoxe et en tirer des conséquences pour l’année 2006.

Bien entendu, a posteriori, il est facile de trouver des explications, même si ce ne sont pas les bonnes . D’une part il y a un différentiel de PER entre les sociétés européennes et les sociétés américaines. Une société comme Vallourec a un PER de 8 alors qu’elle est en pleine expansion. La moyenne des PER français est encore de 13,5 alors que celle de New York est légèrement supérieure à 16. Malgré une certaine morosité de la part des intellectuels Français, comme Nicolas Baverez, un très grand nombre d’entreprises ont de beaux résultats. Quelquefois il est vrai cela est dû à leurs filiales non localisées (formule polie pour montrer que les délocalisations sont rares.)

Aussi l’explication la plus rationnelle pour analyser à la fois la situation américaine et celle de l’Europe est issue du double aspect de l’épargne et de la consommation US. L’épargne est devenue négative, -0,2%, cela a tendance à réduire les fonds disponibles pour alimenter les institutionnels d’autant qu’une part non négligeable va vers le secteur non réglementé des fonds alternatifs / hedge funds et des fonds de capital investissement / private equity. Tout cela incite les gérants institutionnels à accepter, pour assurer la couverture de leurs obligations, de prendre des risques exceptionnels. Ils investissent ainsi dans les secteurs non réglementés ou vers les pays émergents provoquant des hausses très fortes du fait de l’étroitesse de ces marchés (Bourse égyptienne 146 %, colombienne 126%, pakistanaise 57% etc.)

Le volet inverse est celui du déséquilibre commercial issu de l’excès de consommation de produits importés. On parle d’un déficit de 900 milliards de dollars pour 2006. Cela entraîne chez les gérants institutionnels la conviction que la valeur du dollar ne peut se maintenir. Cela les renforce dans l’idée de faire des placements en monnaies autres que le dollar et en particulier en Europe où l’euro parait devoir devenir une importante monnaie internationale. Aussi les fonds US cherchent en Europe et surtout en Allemagne des placements de bonne qualité à large marché et à croissance rapide.

Aussi on doit essayer de savoir si les bourse européennes n’ont monté que grâce à ces flux US qui se limiteraient à de très bonnes valeurs sous cotées ou si cette hausse des bourses est prémonitoire d’une reprise économique généralisée. Nous croyons à cette deuxième hypothèse.

La hausse des bourses comme celle de l’immobilier reflète une abondance d’argent qui s’accompagne en France d’une amélioration de la consommation . On s’en aperçoit par l’ampleur du déficit commercial. Cette situation doit conduire à une augmentation de l’investissement et par conséquent à terme à une diminution du chômage. De plus il faut tenir compte de la situation de l’Allemagne qui est parfaitement paradoxale. La production industrielle est en hausse de 3,8% . Elle est donc supérieure à celle des Etats-Unis 2,8%. La balance commerciale vient d’atteindre un sommet avec un montant de 202,9 milliards de dollars . Or le PNB est seulement de 1,4% dû à une baisse de la consommation privée de 0,6%. Il suffirait que l’atmosphère devienne plus optimiste, ce qui semble être le cas avec un gouvernement de coalition très populaire. Aussi on peut concevoir que la reprise de la consommation allemande s’accélère entraînant celle de la France. Quand, au déjeuner donné par l’Andese pour la reprise du financier de l’année, le ministre des Finances, Thierry Breton, a indiqué que l’on pouvait envisager un taux de croissance de 2,25% pour 2006, (contre 1,8 en 2005), il nous a semblé qu’il pêchait par pessimisme peut-être par peur de créer des illusions chez ses auditeurs.

Si les mois à venir semblent être heureux, il y a quelques nuages à l’horizon. Par exemple l’arrivée d’un nouveau gouverneur du Federal Reserve System pourrait entraîner une politique anti-inflationniste provoquant de nouvelles hausses de taux et un ralentissement économique mondial. Espérons que cette hypothèse se révèlera fausse permettant à la reprise actuelle de s’accélérer dans les années à venir.

Jean-Jacques Perquel Janvier 2006