La mondialisation, c’est l’ouverture au Monde, mais c’est aussi une concurrence aggravée entre les pays à culture, productivité et conditions sociales différentes. Il faut ajouter que les pays à bas salaires, à sécurité sociale insuffisante, font accepter à leurs ouvriers des horaires de travail presqu’inhumains, mais à la différence de la période qui a précédé la Deuxième Guerre mondiale, ils ont le même niveau intellectuel que les pays riches (le montant de la « Recherche et Développement » en Chine est de 14,2% de la R&D mondiale, le Japon de 11,2%, l’Allemagne de 6,5%). Les dépôts de brevets asiatiques dépassent largement ceux de l’Europe. Ainsi, la croissance du nombre de brevets déposés par des entreprises a été en 2012 de 2,2% en France 2ème pays européen, de 11,1% en Chine, de 9,3% en Corée et de 9,1% au Japon.
On n’a visiblement pas, en général, compris l’importance de cette « ouverture » du monde. L’Allemagne est la première à avoir réagi. Avec une Balance des Comptes positive de 214,4 milliards de Dollars sur un an, elle a le plus fort bénéfice mondial de balance des paiements, suivie par la Chine (213,8 milliards) et l’Arabie Saoudite (173,6). Les réformes de Schroeder ont en effet consisté à jouer sur le nationalisme des Allemands qui ont limité les délocalisations au maximum. Ils ont recherché la qualité de leurs produits s’assurant ainsi des marges confortables. Ils ont utilisé les pays voisins à salaires peu élevés pour leur faire fabriquer à bas prix des pièces détachées dont ils ont assuré le montage, mais surtout ils ont convaincu les syndicats d’accepter des restrictions de pouvoir d’achat pour sauver les emplois. En plus, ils ont profité du laxisme des autres pays (en 10 ans la hausse des salaires allemands a été de 16 % tandis qu’elle atteignait 26 % en France et près de 40 % en Grèce) pour s’assurer un solde largement créditeur à l’égard des pays de l’Europe dite du Sud (France comprise).
Aussi, sous l’influence allemande, les pays européens découvrent un des éléments de la solution de la crise : l’austérité. Mais si tous les pays la pratiquent, il ne peut y avoir qu’une « intensification » de la crise actuelle. C’est donc une solution partielle. Il faut lui adjoindre une politique monétaire efficace pour ramener la confiance. Ainsi, les deux problèmes posés sont la concurrence mondiale qui oblige les pays occidentaux à une spécialisation pour laquelle ils ne sont pas toujours préparés et un problème monétaire que certains pays se refusent à analyser. Ce sont ces deux points qu’il nous faut étudier.

I) Protectionnisme ou spécialisation des pays

Le phénomène majeur de notre époque, en zone euro, est la coalition « objective » entre les libéraux et les protectionnistes contre l’Euro.
Les premiers considèrent qu’il faut spécialiser les pays, au nom d’une fausse analyse ricardienne suivant laquelle le niveau de vie des populations ne peut que s’améliorer si les prix baissent dans le monde grâce à une concurrence très poussée. Ils oublient simplement que les conditions de production sont très différentes de pays à pays. Cela condamne les industries des pays qui n’ont pas une domination internationale des marchés des produits qu’ils fabriquent. Mais s’ils réussissent à avoir un réel monopole, cette baisse des prix ne se produira pas, car ils peuvent alors en augmenter discrétionnairement les prix (cf. les terres rares chinoises). De la même façon des compagnies réussissent à imposer des « marques » (Miele par exemple, Hermes ou Nespresso) ce qui leur assure l’équivalent d’un monopole. Aussi, pour les économistes libéraux, l’Euro empêche les changements de parité monétaire qui leur semblent la seule solution pour assurer les rééquilibrages des économies.
Les seconds voient dans le protectionnisme la solution à tous les maux sociaux. Il suffit pour permettre de relancer toutes les industries concurrencées par la production d’autres pays même de ceux de la zone euro. Ils oublient la hausse des produits importés, et en particulier celle des matières premières. En outre, la fermeture des frontières a pour effet de développer des industries à coût élevé d’où le corolaire de cette situation est une détérioration structurelle de la monnaie et à terme de l’économie des pays.
Si le premier groupe se recrute dans une petite minorité d’intellectuels en général brillants, mais en fait coupés de la population, il n’en est pas de même du second groupe qui se développe politiquement dans des mouvements populistes qui prennent une importance d’autant plus grande que les gouvernements de la Zone Euro ont du mal à expliquer pourquoi la reprise n’apparait pas encore.
Les défenseurs de la zone euro sont actuellement minoritaires dans tous les pays de la zone euro, mais ils ont la conviction, renforcée par les statistiques du commerce intereuropéen, que la zone euro est à la fois le système financier le plus équilibré et la voie vers une « Europe Unie » capable de faire face aux entités Internationales que sont les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Mais les partisans de la « Petite Europe » sont divisés entre ceux qui désirent une ouverture la plus grande possible vers l’extérieur, car ils possèdent encore un certain potentiel concurrentiel favorable et ceux qui ne se sont pas préparés à la concurrence internationale et qui désirent une certaine protection de leur économie.Au total l’Europe évolue bien en réduisant les coûts de ses administrations (Espagne, Italie, Grèce), améliorant fortement les balances des paiements (surtout l’Italie), mais la Zone Euro se heurte à une « guerre des monnaies » à laquelle elle ne s’est pas préparée.

II) La politique monétaire

Hors zone euro, les pays non producteurs de matières premières pratiquent une politique volontairement expansionniste. On distingue ainsi trois groupes de pays.Ceux qui produisent des matières premières (pays pétroliers ou producteurs de produits de base comme les métaux non ferreux, les produits agricoles ou d’élevage). Ceux-ci ont une balance des comptes bénéficiaire. Leur seul problème est de ne pas devenir une monnaie internationale et s’en défendent, à peu près, par des hausses de taux.
Les autres pays pratiquent, soit une politique ouvertement basée sur la baisse de leur monnaie (Japon depuis la nomination d’Abe) ou utilisent une politique qui conduit à ce résultat, soit en bloquant leur monnaie (Chine), soit en effectuant des émissions de monnaie qui ont pour but de relancer leur économie. Ainsi aux U.S.A., Bernanke pratique une politique de relance augmentant mensuellement de 85 milliards la masse monétaire… « jusqu’à ce que le chômage retombe à 6,5 % de la main-d’œuvre disponible ». Certes il y une double opposition à cette opération : celle d’un certain nombre de banques fédérales (dont celle de Richmond) et surtout celle de la « Chambre des Représentants » à majorité républicaine qui bloque le Budget en tout cas jusqu’au mois de Septembre (obligeant dans l’intervalle à 85 milliards de Dollars de restriction des dépenses publiques).
La zone euro est prise dans ces contradictions. L’Allemagne obtient de la Banque Centrale Européenne que celle-ci cesse de créer de la monnaie même si les 1.000 milliards d’Euro qui ont été créés ont été pour les 7/10e « stérilisés ». A cela s’ajoute la timorosité des banquiers de la zone euro. En effet, avant l’échéance des trois ans, les banques européennes ont remboursé près de 20 % des deux LTROs. Cette anticipation révèle le manque de confiance envers les investissements des entreprises, ce qui explique la faible vitesse de rotation de la monnaie (le V de la formule « MV » de Fisher). Ainsi malgré « le trou » de 640 milliards de « Target 2 » au détriment de l’Allemagne, la création de monnaies régionales fictives, le « MV » de la zone reste trop faible pour assurer une vraie reprise économique. Comme les gouvernements ont peu de possibilités d’intervenir sur V (sauf si l’on créait, comme cela a été proposé à la Fed, des taux d’intérêt négatifs) le seul facteur sur lequel on puisse intervenir est la masse monétaire.
Certes l’Allemagne est maintenant confrontée depuis 3 ans à une demande de hausse de salaires, car elle a du mal à demander un renforcement de l’austérité à sa population à un moment où elle explique que la situation est euphorique. Or la fin de l’austérité allemande a le double effet d’aider un peu les autres pays de la zone en rendant l’Allemagne un peu moins compétitive à leur égard, mais malheureusement rend l’Euroland moins compétitif sur le plan international. Pour le moment, ce deuxième phénomène n’est pas apparent, car la balance des Comptes de la zone euro est en constante amélioration, mais celle-ci est autant due aux restrictions de consommation européennes qu’à une amélioration des exportations.

Conclusion

On voit ainsi qu’il est indispensable d’améliorer la compétitivité des entreprises en baissant leurs impôts, c’est-à-dire en réduisant drastiquement les dépenses publiques. En tout cas, en France, l’accord de « flexisécurité » et la création de 20 milliards de crédits d’impôt pour les entreprises (malheureusement pour 2014) répondent à cet impératif. Il faut continuer dans cette voie en réduisant encore plus les dépenses de l’Etat, des hôpitaux et des collectivités publiques. D'autre part, il est également indispensable d’augmenter la masse monétaire pour que l’effort exigé des populations européennes soit supportable en assurant un certain développement économique. On peut penser que le jour où les économies européennes seront en pleine reprise, il y aura un problème de réduction de la masse monétaire. Mais cette augmentation nécessaire n’est pas suffisante pour faire face à la concurrence des pays émergents, même si elle s’accompagne d’un remarquable effort de Recherche & Développement, car les pays neufs font, comme nous l’avons vu, un effort supérieur. Ce serait en tout cas un début dans une bonne direction.

 Jean-Jacques Perquel.