Les deux crises économique et financière évoluent parallèlement mais avec un tempo différent. La crise économique, beaucoup plus ancienne, est structurelle. Elle dépend de l’ouverture  des frontières, du développement des technologies nouvelles dans le monde entier  et de la difficulté des pays émergents à développer suffisamment leur demande intérieure pour rééquilibrer leur balance commerciale.
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Les Chinois en particulier, sont dans une situation malsaine avec une balance commerciale bénéficiaire annuelle de 300 milliards de dollars .Cela rappelle l’aide des pays riches aux pays sous-développés après la guerre car l’on fournissait à ces pays, à fonds plus ou moins perdus, le moyen d’acheter des produits que l’Occident était très heureux de leur vendre. A l’heure actuelle pour que la Chine puisse vendre à l’Amérique une masse de produit, elle est obligée de financer ses ventes en accumulant des créances en bonds du Trésor Américain, car c’est le seul moyen d’éviter une hausse de sa monnaie. Les Chinois sont persuadés qu’un règlement réel (or ou autre monnaie que le dollar) entraînerait une aggravation de la baisse du dollar, mettrait en péril ses possibilités d’exportations et provoquerait un chômage d’autant plus important que la Chine est un pays d ‘« immigration interne » et qu’elle ne paraît pas avoir les moyens d’élever suffisamment le niveau de vie de sa population pour résorber sa balance des  comptes. Aussi, tant que cette situation n’est pas compromise par un retour  au protectionnisme américain, elle peut perdurer, avec ses effets pervers: détérioration des balances commerciales des pays « riches », de leurs industries et aggravation de leur chômage.

Il y a une certaine amélioration de la situation financière  des pays développés. Cela est  dû aux masses monétaires créées ex nihilo ou importées de l’étranger lorsqu’elles viennent financer des déficits budgétaires  (près de 50% du déficit américain est financé par la Chine). Cela assure une rémission, peut-être temporaire de la crise économique. On assiste à une légère amélioration de l’emploi aux U.S.A. (il n’y a plus eu  que 4.000 chômeurs de plus en Novembre même si Décembre est moins bon pour des raisons climatiques). Les milieux politiques ont l’espérance que cette modeste amélioration se produira bientôt en Europe, car il y a une légère reprise du P.N.B. européen depuis déjà 3 mois. Cependant le Chômage ne se réduit pas. Aussi deux questions se posent : pourquoi la reprise du secteur financier n’entraîne t’elle pas de vraie croissance économique? les mesures envisagées permettent–elles de résoudre les difficultés de l’avenir. ?

I)    L’éventail des mesures proposées

Il est normal qu’en période de crise, on prépare l’après-crise. Si l’on fait abstraction d’analyses farfelues du type « remise en cause du Capitalisme » ou « domination mondiale d’un G 2 issu d’une alliance Américano-chinoise » on voit que les gouvernements lancent une série de mesures. Elles sont de trois ordres :

A) organisation d’un système de régulation le plus international possible. La dernière réunion du G 20 a proposé de créer un organisme international de contrôle le « Financial Stability Board F.S.B. » qui doit assurer la coordination multilatérale des initiatives de régulation. On voudrait obtenir une certaine limitation des bonus payés en espèces par exemple en en reportant une partie sur 3 ans. (Mais cela a entraîné une hausse très forte des salaires fixes ou la transformation de traders en consultants, recevant ainsi des honoraires variables)
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B) aux Etats-Unis tout un système de réorganisation économique a été voté par  le House Financial Services Commitee. La « Chambre des Représentants » a même voté un projet de loi donnant  plus de pouvoir aux comités de rémunération  et assurant aux actionnaires un droit de vote non contraignant au sujet  des gratifications.
Le FSC a décidé :
a) la fusion de certains régulateurs «  Office of the Comptroller of the Currency »et « Office of the Thrift Supervision »,
b) la standardisation  des produits dérivés pour pouvoir être négociés sur des Bourses,
c) un meilleur contrôle des Agences de Notation et des Assurances
d) En outre la Chambre des Représentants  a voté la création d’un « Fonds de Résolution des Crises Systémiques «  auquel seraient assujettis  les institutions financières dont les actifs sont supérieurs à 50 milliards de Dollars  et les Hedge Funds dont les actifs dépassent 10 milliards et enfin
e) La création d’une nouvelle Agence  la « Consumer Financial Protection Agency » pour protéger les actionnaires privés
Mais ces mesures rencontrent au Congrès l’opposition des «  Républicains  »  ce qui va rendre difficile leur vote au Sénat
En Europe on cherche à appliquer les recommandations du G 20 tant en matière de rémunérations  (ce qui provoque une fuite de cadres anglais et français vers l’Amérique, la Suisse ou Hong Kong) et l’on met sur pied un organisme de contrôle issu des travaux de la Commission,  présidée par Jacques de Larosière.

C) un travail comptable important est en voie de réalisation pour réduire le côté pro cyclique des IFRS. On distingue les actifs que l’on désire conserver jusqu’à date lointaine, ils sont calculés à leur valeur d’achat corrigée par des provisions et les actifs négociables à tout moment évalués  à leur « juste  valeur ou « fair value ».Mais la définition de ces deux types d’actifs se heurte  à une opposition entre Anglo-Saxons qui veulent réduire au maximum la liste des premiers et les Européens  qui sont pour son élargissement.

Tout cela se heurte à des oppositions nombreuses soit d’ordre législatif  soit dans le monde des affaires  lorsqu’ elles sont détournées par les opérateurs. Ainsi un article du « Businees  week » montre 4 techniques utilisées par les banques pour tourner une réglementation pourtant peu contraignante.

II)    Les politiques financières.

Face à la double crise économique et financière, les politiques pratiquées ont été de trois styles :

La Chine, avantagée par sa situation d’exportateur, a fait une politique Keynésienne d’expansion considérable de sa masse monétaire et de dévaluation de sa monnaie en l’arrimant au Dollar. Cette double politique a permis de remonter son PNB à près de  9 %, de relancer la demande mondiale de matières premières, aidant des pays comme l’Australie, les pays producteurs de pétrole, etc. à sortir de la crise économique.

Les pays de culture anglo-saxonne ( USA,Angleterre, Japon) ont pratiqué une politique d’expansion monétaire et de déficit budgétaire accompagnée aux USA par une baisse très importante de la valeur de sa monnaie .Cela a permis un redressement remarquable des finances des banques qui ont pour la plupart pu rembourser les aides des Etats, fait monter toutes les Bourses du monde et même remonter très légèrement les prix de l’immobilier, mais sans réduire, jusqu’à présent, le chômage.

L’Euroland a pratiqué une politique originale qui a consisté à laisser les pays membres s’endetter tout en réduisant au maximum l’augmentation de la masse monétaire. Cette politique a ses limites ;
L’Irlande, la Grèce et le Portugal sont en faillite. L’Italie, la France et même l’Allemagne depuis cette année, ne sont pas très brillantes. Le secteur bancaire est redevenu florissant en profitant des taux très bas auquel il peut emprunter mais cette amélioration sert peu au développement économique car les banques ont peur d’investir dans le secteur privé non financier. Elles craignent de subir les conséquences des faillites d’entreprises. Elles constatent, de plus, que les entreprises réduisent leur demande de fonds car  ces dernières ont retardé leurs investissements par peur d’être « lâchées » par les banques comme elles l’ont été en 2007/2008. Mais surtout les banques ont des emplois, à première vue ,très rémunérateurs en pratiquant des opérations de « Carry Trade »  ou, plus spéculativement, d’achats de valeurs mobilières.
L’effort des pouvoirs publics pour obliger les banques à développer leur aide aux entreprises privées et surtout aux PME gros fournisseurs d’emplois est important, mais insuffisant jusqu’à présent pour assurer  la reprise économique.

Certes Amérique et Europe voient leur PNBs s’améliorer et ont l’espoir que le chômage commencera bientôt à se résorber, mais il semble que l’on veuille mettre la charrue avant les bœufs car tandis que la crise économique se ralentit à peine, on commence à envisager des mesures  pour résorber les « excès »  de liquidité. Cela paraît assez illogique. En effet on encourage les banques à augmenter leurs prêts aux entreprises, (c’est en particulier, le rôle en France du Médiateur du Crédit aux Entreprises ) mais dans le même temps on étudie à l’échelon des Banques Centrales comment résorber la masse monétaire. Aux USA on envisage le recours à des « reverse repos » organisés par la F.E.D.(dépôts de titres dans les banques avec remboursement à terme renouvelable). On a lancé également l’idée, de créer aux USA.,  pour les banques, une nouvelle « facilité » (dépôts auprès de la Federal Reserve qui  seraient rémunérés mais  bloqués pour une durée qui pourrait varier suivant les contrats  entre 14 jours et 1 an)  Il semble ainsi que les Autorités Financières soient prises entre une réalité économique  relativement peu encourageante et un désir de retour à une situation  de croissance  sans inflation.

On se heurte en outre à une difficulté imprévue. La concurrence entre banques a repris. Cela se voit dans la relance des bonus mais surtout dans le développement d’hyper structures financières aussi malsaines que celles qui existaient avant la crise. C’est le développement du « Carry Trade »  ( pour profiter des écarts de taux courts entre monnaies car le taux court US est voisin de 0%,celui de l’Australie de 3,5%) .Ce sont aussi des placements plus sophistiqués comme des achats en Bourse de titres de monnaies non-Dollars (Banques et autres institutionnels US jouant constamment contre leur monnaie). Cet échec relatif des mesures prises en faveur des Banques, devrait inciter les autorités  financières à limiter leurs activités aux opérations pour compte d’autrui laissant à d’autres organismes style « Hedge Funds / Fonds alternatifs» toutes les opérations de trading pour compte propre ;

III)    L’Avenir

On entrevoit que les deux crises économique et financière vont diverger.
Certes des difficultés subsistent concernant le crédit immobilier commercial, les cartes de crédit et les troubles dus aux hypothèques que le public abandonne encore, faute d’avoir retrouvé une valeur courante équivalente au montant de leur endettement. La crise financière n’est pas totalement terminée. L’année 2009 a encore vu la faillite aux USA de 130 banques et la mise « sous contrôle » de 552 autres. En Autriche et en Allemagne les difficultés ne sont pas encore réglées.
Cependant la crise financière paraît relativement contrôlée. On ne devrait plus avoir d’incidents type Lehman.
Par contre sur le plan économique, il y a une légère amélioration des PNBs, mais la crise n’est pas terminée tant que le chômage ne régresse pas. Les méthodes utilisées pour la résoudre relèvent des techniques malsaines de l’entre-deux–guerres .La « Beggar thy neighbor Policy » réapparaît dans les baisses conjointes du Dollar et du Renminbi. De même aux USA les hausses de tarif de 35% sur les pneus chinois, celles de 10 à 15 % des tubes en acier pour forages pétroliers ont un relent de protectionnisme qui rappelle les hausses de tarifs de l’entre-deux-guerre. On rentre donc peu à peu dans une guerre commerciale. Espérons que le G 20 sera capable de structurer une entente internationale qui permette un développement économique plus harmonieux.


Paris,  le 11 Janvier 2010                                                Jean-Jacques  Perquel