Le retour de la confiance aux U.S.A


Quiconque fait, en ce moment, un voyage aux Etats Unis est frappé par un consensus général concernant l’analyse de la situation économique actuelle .Il est basé sur 3 prévisions :
1) A court terme la crise économique a trouvé ses limites. Elle devrait donc être résolue au cours des prochains mois.
2) A plus long terme (quelques années ) la crise économique devrait se résoudre, mais les américains pensent que le plus fort de cette crise a été atteint.
3) Quant à l’inflation, tout le monde y songe (qu’elle soit due à l’excès d’émission monétaire ou ce qui est plus probable au développement mondial du protectionnisme universellement condamné …mais appliqué). Les Américains, à juste titre, ont surtout peur d’une déflation à la japonaise dont on aurait le plus grand mal à sortir.
Aussi, pour bien comprendre l’ état d’esprit des Américains, il faut analyser la politique du Gouverneur Geithner c’est à.dire comprendre comment ont fonctionné les « Stress Tests » et pourquoi ceux-ci ont ramené la confiance, puis étudier ses propositions pour essayer d’empêcher une nouvelle crise mais il n’est pas sûr qu’il obtienne des votes favorables du Congrès vu l’opposition des lobbies .



I) Les Stress Tests et leur effet sur l’opinion :
On peut les représenter par un tableau carré à 4 cases
1) En hauteur, on distingue deux séries de tests :
a) la situation actuelle avec pour 2009 une croissance de - 2,1%, une baisse de 14% des prix de l’immobilier et pour 2010 une croissance de 2% et une baisse des prix de l’immobilier de 4 %
b) la situation « extrême » où la croissance atteint -3,3% en 2009 et 0%en 2010 tandis que le chômage atteindrait 10,3% en 2010 tandis que les prix de l’immobilier baisseraient respectivement de 22 et 7%
2) Latéralement, on effectue pour chaque banque deux types d’analyses
a) le cas général des risques pris par la banque en considérant que tous les organismes financiers ont pris les mêmes risques
b) on regarde le risque spécifique de la dite banque de façon à déterminer s’il ne faut pas demander à cette banque un effort particulier.
Prenons quelque exemples dans le contexte de la « situation extrême »(en milliards de dollars)

Nom de la banque perte apport du TARP secteur perte capital additionnel
Potentielle de plus fort risque potentielle demandé

Bank of America 136 45 Trading 24 33
Wells Fargo 86 25 Mortgages 32 13
Citigroup 104 45 Trading 22 5,
JPMorgan Chase 97 25 Cartes de Crédit 21 0

Un tel travail a été effectué sur les 19 plus grandes banques US. On l’étend actuellement aux autres banques, (Les Américains voudraient que les banques européennes fassent les même tests, car ils prétendent que les banques européennes ont les mêmes problèmes que leurs sœurs d’outre-Atlantique).

Certes des critiques se font entendre, même aux Etats Unis, indiquant que les hypothèses sont trop optimistes, mais le résultat recherché semble avoir été obtenu : le retour de la confiance . Ainsi le 4 mai 2009 un SIV de Standard Chartered a été vendu pour 2,5 milliards de $ avec une décote limitée à 33 % alors qu’ on évalue plutôt les CDSs avec un discount de 66%.Il ne reste plus au gouverneur qu’à prendre des mesures pour essayer d’empêcher le retour d’une telle crise.

II)Les propositions du Gouverneur :
Les Américains ont été très impressionnés par les résultats des stress tests ,car ils ont montré qu’un grand nombre de banques n’avaient pas besoin d’augmenter leurs fonds de « tier one » après les apports publics du TARP déjà réalisés et leurs augmentations de Capital (à hauteur de 56 milliards de $ à l’heure actuelle, appels au public qui se sont passés sans problème).
Mais deux problèmes subsistent pour confirmer ce retour de confiance :il faut chercher à rééquilibrer le budget, il faut supprimer les causes du retour à une crise semblable.

Pour améliorer le premier point le gouverneur cherche à récupérer les fonds placés par des particuliers dans des places off shore (attaque contre l’UBS) mais surtout les comptes des sociétés ouverts très légalement en pays étrangers peu fiscalisés et qui n’investissent plus que dans ces pays pour profiter des avantages qui leur sont accordés (On voit d’ailleurs dans cette politique poindre un retour au protectionnisme).

D’un point de vue technique la situation s’améliore un peu. Les produits dérivés traités OTC avaient encore augmenté en Juin 2008 de plus de 20% par rapport à l’année précédente à 680 trillons de $ pour rebaisser un peu en fin d’année vers 587 trillons ; de même les CDS marquent une petite décrue. L’épargne des ménages bondit passant de 0% à 4% en quelques mois, mais les défauts sur cartes de crédit atteignent 22% dans certaines banques. Il faut donc que le Gouverneur obtienne que le Congrès vote des mesures contrôlant l’emploi des cartes de crédit et régule le marché des produits dérivés. Le premier point fait l’objet d’un projet de loi interdisant de donner des cartes de crédit à des mineurs de moins de16 ans, limitant l’emploi de ces cartes en fonction des revenus des utilisateurs et obligeant les banques à prévenir les utilisateurs des pénalités qu’on leur fait subir en cas de dépassement des délais de remboursement. Sur le second point le problème est plus difficile car on a du mal à faire comprendre à des contrôleurs les arcanes des modèles mathématiques utilisés. Deux solutions sont proposées : la standardisation des produits et la création de chambres de compensations pour réduire les risques systémiques. Cette dernière solution enthousiasme les différentes bourses qui créent toutes leur chambre de compensation mais se heurte à l’hostilité des banques qui en passant par des organismes dont la principale qualité est la transparence , perdent ainsi le bénéfice qu’elles trouvent dans cette absence de transparence.
En outre le Gouverneur Geithner pratique une politique de carotte et de bâton .En décidant que les Banques aidées aient un contrôle des rémunérations de leurs cadres , il oblige ces banques à faire rapidement des appels à l’épargne pour rembourser les aides publiques ,faute de quoi elles perdront leurs cadres les plus valables au profit des banques qui n’ont pas besoin de ces aides publiques. Le remboursement rapide est donc pour ces banques une question de survie. Cela n’empêche pas le gouvernement de rechercher par ailleurs des mesures fiscales ou autres pour réduire les excès de rémunération.


Conclusion
Les Stress Tests en montrant les limites de la Crise financière, et les mesures qui donnent l’impression qu’une telle situation ne se reproduira plus sont des appels à un retour à l’ordre ancien. La forte reprise des Bourses va dans le même sens, montrant la confiance du public surtout dans les pays émergents, (hausses de plus de 40 %depuis le début de l’année en Chine, Inde etc... et même en pays occidentaux (plus de 20%).
Certes il y a quelques réticences chez certains économistes .Le prix Nobel Krugman a peur qu’il y ait dans le monde une insuffisance de création monétaire. Il y a une forte opposition des lobbies bancaires et une réaction des opérateurs qui attendent le retour de l’euphorie pour oublier ce qui s’est passé pendant la crise et… en préparer une autre. Mais en attendant on ne peut qu’être impressionné par le dynamisme qui accompagne, aux USA, le retour de la Confiance.


Jean-Jacques Perquel Paris le 3 Juin 2009