Raymond Barre, alors premier ministre, expliquait qu’il était encombré de propositions de style “ y a qu’a ” pour résoudre tous ses problèmes de gouvernement. Il est certain que les donneurs de leçons ont cet avantage qu’ils n’ont pas besoin de se colleter aux réalités économiques, sociales et politiques. De ce fait, leurs raisonnements peuvent paraître, dans le meilleur des cas, sans faille ..mais être totalement irréalisables. Cependant ils apportent des idées. Il pourrait être possible d’en utiliser quelques unes.


Prenons la situation actuelle

On a tendance à mélanger deux phénomènes tout à fait différents :

L’un est structurel : Des pays à culture comparable à celle des pays occidentaux, parfois supérieure, ont concurrencé nos pays grâce à des salaires très inférieurs, une absence de sécurité sociale et une « rage » au travail due au désir d’améliorer leurs conditions de vie. Mais le développement des intelligentsias locales a eu tendance à inciter à produire sur place les biens utiles à la survie des occidentaux mettant à mal les productions de nos pays et provoquant des déséquilibres structurels de nos balances commerciales, des délocalisations et une détérioration des tissus industriels. On voit peu de solutions dans un contexte d’ouverture continue des frontières, car les pays émergents, poussés par un mercantilisme inconscient , ont peur, en élevant trop fortement le niveau de vie de leurs ressortissants, de perdre, au profit de pays plus pauvres, leur bénéfice d’exportateurs nets.


Le deuxième type de déséquilibre est d’ordre conjoncturel, c’est le problème financier. On peut diviser la masse monétaire en 2 entités : la monnaie réelle représentant la monnaie d’échange et une monnaie virtuelle créée par les secteurs bancaire et para-bancaire sans qu’il soit facilement possible de les séparer dans la pratique, mais que nous supposerons séparables pour pouvoir les analyser.

a) La masse monétaire « classique » a été hyper étendue grâce aux déficits américains (déficits budgétaire, commercial, sur-endettement du public).

b) A côté de cette masse monétaire, s’en est créée une autre inventée par le secteur bancaire au sens large, manquant totalement de transparence, car il s’agissait pour les organismes financiers, d’éviter l’excès de réglementation qu’on leur imposait. Malheureusement la titrisation était une solution d’une exceptionnelle facilité et difficilement contrôlable. On a attaqué le Gouverneur Greenspan pour avoir maintenu trop longtemps des taux trop bas incitant à augmenter la masse monétaire classique sur laquelle s’échafaudait la masse des produits dérivés. Le manque d’argent dans le monde, le jour où ces produits sont remis en cause, est bien la preuve que l’augmentation de monnaie « classique » a plutôt été insuffisante;

Certes tout n’a pas été nuisible dans cette création monétaire. Elle a facilité l’innovation (Fonds d’investissements), la reprise par des entreprises dynamiques d’autres moins efficaces (LBOs), elle a aidé des sociétés en difficulté à trouver des fonds (CDS)etc. Malheureusement elle a facilité une spéculation immobilière exagérée, une spéculation anormale sur matières premières etc ... Ainsi dans un domaine très important , le pétrole, la position ouverte a atteint 35 fois la production annuelle poussant le prix du baril jusqu’à 147 $ et le dernier lundi de Septembre 2008, jour de la fin de position du mois, on a vu le baril passer de 100 dollars à 130 pour terminer à 120 ce jour là et se retrouver à 100 le lendemain…et à 42 le 16Décembre.


Bien entendu, si l’on compare la crise financière commencée en 2007 et celle des années 30, on s’aperçoit que ces deux crises ont un point commun ;: le désir des opérateurs de se concurrencer pour fabriquer des produits financiers de plus en plus déconnectés des réalités économiques et de ce fait beaucoup plus risqués. A cela s’ajoute une grande complexité dans la division des opérations (Conduits + Ratings + Réhausseurs de Crédit)qui ont paru protéger les émetteurs de ces Conduits (SIVs). Cette démultiplication des responsabilités a surtout eu pour effet de donner aux opérateurs une assurance aveugle qui leur a fait abandonner toute forme de précaution.

On retrouve, comme dans les années 30, la même mondialisation du commerce qui permet une transmission de la crise dans le monde entier. Elle est même plus rapide de nos jours du fait de l’internalisation des informations.

Par contre les responsables financiers ont subi l’influence de Keynes et ont de ce fait les moyens de réduire les dégâts. Certes il se commet des maladresses. Madame Merkel, encore obsédée par les problèmes allemands de l’entre-deux-guerres, a peur de déséquilibrer son budget. Sur le plan international, on élève le « Tier One » du Ratio Cook. Les banques se font, dans ce domaine, concurrence pour l’augmenter et prouver ainsi leur solidité .Les banques anglaises qui ont actuellement un Ratio de 5 parlent de le porter à 10. Les banques françaises qui ont un Ratio supérieur à 6, parfois même de 8, sont obligées par les autorités financières à le porter à 9 ce qui conduit à cette situation digne de Gribouille On augmente la part bloquée des capitaux des banques en leur demandant de faire plus de prêts. Bien plus pour leur assurer ce passage à 9, en restant dans les règles imposées par le traité de Maastricht interdisant aux pays de créer ex-nihilo de la monnaie, l’Etat retire des fonds qui devraient servir au développement économique pour les prêter à taux très élevé aux banques qui n’ont donc pas le droit de les utiliser.


Le « y a qu’a » consiste alors à proposer des solutions ;:


a) pour lutter contre la concurrence des pays émergents, il faudrait accepter un certain retour à des mesures tarifaires pour compenser les avantages asociaux de certains pays. Mais il faut admettre alors une certaine inflation qui peut un jour être difficile à contrôler.

b) pour lutter contre la baisse de vitesse de rotation de la monnaie (le V de la formule de Fisher ), cause principale de l’effondrement de la masse générale d’argent, il faudrait revenir à la « planche à billets » (prêts des Trésors aux Banques Centrales ).

c) Une solution est envisagée pour lutter contre ce que l’on pourrait appeler la criminalité financière en imaginant de nouveaux contrôles.

Le « y a qu’a » consiste alors à envisager 3 solutions :

1)contrôler les secteurs financièrement oubliés comme les banques de crédit immobilier en Angleterre et aux USA. Le cas des hedge funds est très particulier. Il faut contrôler les banques prêteuses (prime brokers) tout en laissant une grande liberté aux opérateurs, dont l’efficacité dépend de la possibilité de modifier rapidement leur politique de gestion.

2) limiter au maximum les contrôles, mais les rendre très efficaces, un contrôle bien fait est supérieur à plusieurs contrôles, car les différents intervenants ont tendance à copier le travail de leurs prédécesseurs.

3) reste un problème , celui de la formation des contrôleurs. Ils devraient tous avoir fait des stages dans des entreprises de haut niveau technologique pour bien comprendre les situations, ne pas se perdre dans des détails mais rechercher s’il y a des vraies fraudes et aider les chefs d’entreprises à y remédier plutôt qu’à vouloir surtout sanctionner.


Ce ne sont que des vues de l’esprit, mais on peut penser que certains Démocrates les partagent


 

 

 

Paris le 15 Décembre 2008 Jean-Jacques Perquel.