Deux thèses s’opposent, avec un arrière plan politique.

Pour les tenants du libéralisme, la hausse est due à la « loi du marché » : la demande des nouveaux pays riches Chine, Inde, Brésil justifie un emballement des cours et leur future hausse à 200 $ le baril, si non à 250 ou 300. A cela s’ajoutent les difficultés de la Russie qui a du mal à maintenir sa production au niveau actuel, l’épuisement programmé de la mer du Nord, les troubles du Nigéria, le caractère anti-occidental de pays comme l’Iran, le Vénézuela ou la Bolivie. Ces pays qui n’incitent pas les majors à accélérer leurs efforts de prospection. Selon cette thèse la spéculation ne fait qu’accompagner une situation de fait et ne joue aucun rôle.


L’analyse inverse repose également sur certains faits : les sables bitumineux canadiens commencent à être exploités ( on parle d’un million de barils/jours), le Brésil est en train de développer off shore ce qui semble être un des plus grand gisement mondiaux, les réserves africaines semblent énormes etc

La thèse de l’épuisement des réserves au bout de 40 ans qui était en vogue dans les année 30, montant qui a fléchi dans les années 80 lorsque le pétrole était à 10 $ du fait de la réduction des recherches, a remonté à l’heure actuelle aux mêmes 40 années. Aussi selon cette thèse la hausse du pétrole est purement spéculative.

Reprenons les termes de l’analyse. Dans la thèse dite du « Pic» de production la hausse de la consommation est inscrite dans les faits avec une production de 100 millions de barils /jour dans cinq ans, de 150 millions en 2020 etc. En fait, la hausse de la demande de pétrole est très lente. Selon l’UBS la demande de pétrole hors OCDE entre 2006 et 2008 serait augmentée de 2 millions de barils/jour tandis que celle de l’OCDE aurait diminué d’un demi million. Il ne faut pas oublier la réduction actuelle de la demande due à la récession qui commence aux USA et en Europe. Le solde haussier est largement compensé par la hausse de production hors OPEP sans parler du fait que l’OPEP a plutôt tendance à laisser ses membres augmenter un peu leur production. Certains économistes commencent à parler d’une surproduction pétrolière.

Qu’en est-il de la spéculation ? Elle a une cause, l’abondance d’argent. Par ailleurs les détenteurs de fonds essentiellement les fonds alternatifs et les sociétés de capital-investissement n’ont plus leur possibilité classique d’investissement : l’immobilier est en crise et les cours de bourse ne sont pas favorables ; reste donc la spéculation sur les matières premières. Les sommes investies sur les marchés à terme pétroliers représentaient moins de 10 milliards de dollars en 2002, 100 milliards début 2007 et l’on parle à l’heure actuelle de 250 à 350 milliards. Mais ces chiffres sont ceux des marchés officiels américains. Ils ne tiennent pas compte des opérations réalisées sur l’ICE, dépouillées en Angleterre par sa filiale ICE Future Europe pour profiter des avantages de la réglementation anglaise et surtout des opérations OTC. Celles-ci, grâce à la loi dite Enron ( qui a été obtenue par cette société au temps de sa splendeur) échappent à toute obligation d’information et exemptent les opérateurs de tout apport obligatoire de marge.

Quel serait alors le ‘Juste Prix » si l’on arrivait à contrôler et à réduire la spéculation ? Il semble d’après les experts que 80 dollars serait un prix normal car il permettrait au Canada de raffiner ses sables bitumineux et de développer des recherches en grande profondeur (Groenland par exemple)



Jean Jacques Perquel le 4 août 2007