Un groupe d’économistes de l’OFCE, de l’INSEE, de Rexecode et de la Banque de France ont annoncé la parution du Rapport sur le Tissu productif français 2023, en publiant un résumé rédigé par l’OFCE et intitulé : « Comprendre le tissu productif marchand en France. Une analyse de la décennie passée ». Ce résumé a fait l’objet d’une table ronde intéressante et pédagogique.

Dans cet article il ne s’agit pas d’exposer la totalité de l’étude mais de mettre l’accent sur certains constats qui conduisent à se poser des questions concernant la vie de l’entreprise et particulièrement celle des PME et ETI.

Un contexte d’évolution

Une des conclusions de l’étude montre que « l’analyse de la décennie passée confirme la trajectoire de tertiarisation du tissu productif tout en montrant une résilience de l’industrie dans la production marchande, d’une part quand on la compare non pas à l’ensemble des services mais au commerce ou au groupe des services aux entreprises, d’autre part, quand on distingue le Manufacturier HT du Manufacturier BT, dont les trajectoires se distinguent ». (La distinction entre Haute Technologie et Basse Technologie se fonde sur le contenu en R&D de la valeur ajouté).

« Les gains de productivité du secteur manufacturier sont gouvernés par la réallocation d’activité vers les entreprises les plus productives ».

Quelques éléments de méthode

Le tissu productif étudié est, hors agriculture, services immobiliers et financiers et auto-entrepreneurs. Les statistiques de l’étude représentent 67 % de la valeur ajouté marchande de la comptabilité nationale et 90 % des entreprises hors micro-entrepreneurs soit 1052.8 milliards d’euros en 2019.Habituellement, les études économiques relatives au secteur productif marchand ont pour objectifs d’analyser sa compétitivité, sa vitesse de numérisation, l’impact de la tertiarisation, l’impact des nouveaux marchés et le niveau de productivité. Les performances du tissu productif se calculent sur la base d’un indicateur de productivité globale des facteurs fondé sur la profitabilité via les taux de marge. La structure du tissu productif étudié comprend environ 2 millions d’entreprises.

Quelques constats

Depuis 2014, le tissu productif connait une accélération de l’emploi grâce aux créations d’entreprises notamment dans le secteur des services y compris à l’international. Le secteur manufacturier HT demeure cependant le plus contributeur dans les échanges internationaux, dans la croissance du personnel qualifié et numérique.

La tertiairisation du tissu productif continue au cours de la dernière décennie pour deux raisons :

Les services aux entreprises

Le déclin de la valeur ajoutée dans le secteur manufacturier de basse technologie.

Les services aux entreprises, en forte croissance et qui représentent en 2019, 27% de la valeur ajouté du secteur marchand, regroupent les services administratifs, les services TIC (Technologiede l’Information et de la Communication), juridiques, comptables, scientifiques et techniques.

Faible croissance de la productivité

La croissance de la productivité des facteurs est modérée sur la décennie 2010-2019 car « les gains de productivité (globale des facteurs) proviennent plus des réallocations de l’activité vers les entreprises les plus productives que d’une amélioration de l’efficacité productive interne des entreprises pérennes ». « D’un côté, la croissance peut venir des entreprises à la frontière qui gagnent des parts de marché, de l’autre, elle peut venir des gains de productivité propres aux entreprises en raison notamment de la diffusion du progrès technique. Or ce deuxième effet n’a pas dominé au cours de le décennie passée ». De plus, Les entreprises moyennement et fortement numérisées ne représentent que 5.3 % des entreprises.

Il convient également de retenir « qu’en 2019, 54 % des TPE n’investissent pas, 13% des PME et moins de 1 % parmi les ETI et les GE » et que « les grandes entreprises sont celles qui sont les exposées au marché international (taux d’exportation de 77%). « Le défaut de dynamisme du manufacturier BT est sans doute à rechercher dans un défaut de compétitivité à la fois en prix mais aussi en qualité ». A cela s’ajoute le fait que le niveau de l’emploi, « sur la période 2010-2019, environ un tiers des entreprises de notre échantillon s’ajuste par leur niveau d’emploi d’une année sur l’autre. Cela s’explique en grande partie par l’existence de coûts fixes d’ajustement de l’emploi ».

Des questions à se poser

Comment expliquer le retard des gains de productivité dans les PME ETI ?

Quelles sont les raisons de l’inertie et du retard des investissements TIC dans les PME ETI ?

L’externalisation des services complexifie-t-elle les décisions ?

Pour les dirigeants, y-a-t-il manques de compétences techniques, manque de temps, des difficultés à prendre des décisions, des craintes injustifiées, des difficultés à recruter des spécialistes, l’agacement des normes, … ?

Comment expliquer que des investissements qui créent des gains de productivité et qui augmentent les profits soient retardés ?

Ces quelques questions conduisent à s’interroger sur la pérennité de la croissance de long terme.

On pourrait également revoir les fondements économiques des comportements des PME ETI en termes de qualité de l’information, d’objectif de maximisation du profit, du contexte d’incertitude.

A la limite des entreprises acceptent de vivre avec des taux de marge moins élevés que ce que les techniques pourraient engendrer. Il faudrait peut-être relire nos théories économiques :

https://theoreco.com/non-classe/suggestion-dune-nouvelle-vision-du-marche-934.html