Plusieurs caractéristiques du système économique actuel conduisent à penser qu’il est de plus en plus imprévisible. Il y a d’abord un flux continue d’innovations qui bouleversent les produits de consommations, les services ainsi que les biens de production, avec de plus en plus d’effets de surprise. Il y a ensuite le contexte d’une mondialisation qui fonctionne plutôt bien mais dans laquelle une grande proportion d’entreprises doit en permanence prendre des décisions « au niveau mondial » avec des raisonnements truffés d’hypothèses de conditions de marchés liées au fait qu’elles n’ont pas le temps de collecter les informations nécessaires aux bonnes prises de décisions. Ceci est vrai aussi bien pour les start-ups que pour les ETI ou les grands groupes. Pour optimiser la réussite d’un lancement de nouveau produit, il vaut mieux être le premier et donc, se décider très vite avec, dès le début un objectif mondial pour éviter d’être racheté un peu plus tard par le plus gros ! Il faut également savoir gérer son projet dans un contexte de cyber-insécurité qui s’accroit dans le temps. Ajoutons enfin le degré de complexité des produits et services dans quasiment tous les secteurs.

Ainsi : nouvelles technologies avec effets de surprise + complexité + immensité des marchés + obligation de décider rapidement = imprévisibilité.

Cette conclusion peut être considérée comme étonnante dans un monde ou une immensité d’informations circulent en temps réel, mais pourtant on se plaint souvent que nos entreprises ne raisonnent qu’à court terme. Par ailleurs, la quasi stabilité des prix agrégés (qui de plus convergent au niveau européen), des taux de croissance des PIB en volume de plus en plus stables et des gains de productivité macro-économique se stabilisant sur le long terme conduisent à penser que les prévisions sont plus sûres. C’est peut-être vrai au niveau macroéconomique car les marges d’erreurs se compensent mais au niveau du secteur d’activité on s’en éloigne. A ce contexte d’imprévisibilité, s’ajoute l’incertitude relative à l’importance et aux délais d’applications des futures décisions politiques concernant le réchauffement climatique. Pour faire simple il y a d’un côté le GIEC suivi entre autres par l’Europe, et en face la Russie et les Etats-Unis qualifiés de climatosceptiques. Il est difficile de prévoir les futures décisions de ces climatosceptiques ainsi que de la Chine voire même des européens lorsqu’ils découvriront l’importance des chocs structurelles qu’ils devront appliquer à leurs économies ; l’expression employée est « changement de modèle » !

Dans ces conditions, des hypothèses du modèle néo-classique comme la perfection de l’information, nécessaires à l’équilibre global et le principe de la demande effective de Keynes (effective demand qui aurait dû être traduite par demande efficace) se retrouvent sur la touche. La main invisible devient aveugle. Ceci pourrait bien sûr faire l’objet de grandes réflexions avec notamment le rôle de l’état mais dans le cadre de cet article nous nous limiterons à une suggestion concernant le marché de l’emploi qui subit de plus en plus des changements structurels.

Si l’on veut éviter à long terme, un accroissement de l’inadéquation entre l’offre et la demande il convient de rechercher des solutions permettant d’améliorer le fonctionnement du marché du travail qui n’arrive plus à tendre vers l’équilibre parce que l’adaptation de l’offre dépend de plus en plus de nouveaux profils dont la formation est de plus en plus longue. (En 2018 les postes non pourvus en France dépassent les 300000).

Il faut bien constater que les prévisions actuelles concernant le marché du travail sont trop généralistes et de trop court terme. L’idéal serait une publication des besoins sur un terme de 5 ans qui répertorie avec précisions les futurs profils demandés ; l’objectif étant alors de diffuser cette publication vers l’éducation nationale, les centres de formations privés, les syndicats professionnels, et toutes les entités concernées par la formation professionnelle, pour qu’ils s’adaptent et révisent leurs offres.

Compte tenu de ce qui est proposé en début d’article sur l’imprévisibilité de notre système économique, la production d’une telle publication n’est certainement pas simple. Pour cette raison il conviendrait que les ministères et agences concernés revoient leurs méthodes de prévisions par une meilleure analyse des phénomènes d’innovations, leurs impacts économiques et sociologiques, en observant notamment ce qui se passe dans les pays les plus innovants.

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