La commission présidée par deux anciens premiers ministres a finalement statué sur un emprunt dont le montant s’élèvera à 35 milliards. Cet emprunt décliné en 7 axes fait la part belle à l’Université et à la recherche, à l’innovation. Sur les 35 milliards visés, 16 milliards concernent les universités et la recherche.

Le débat a fait rage pendant des semaines entre les partisans d’un emprunt pouvant monter jusqu’à 100 milliards et les adeptes d’un montage financier plus respectueux de l’orthodoxie budgétaire dont les règles sont déjà bousculées par une charge de remboursement de la dette de plus de 60 milliards par an. Les opposants à l’emprunt n’ont pas eu gain de cause. Ce dernier est ciblé pour rémédier aux carences les plus criantes du système éducatif et de recherche français en matière de recherche et pour stimuler la compétitivité des entreprises sur des thématiques ciblées (société numérique, mobilité du futur, villes de demain, développement des énergies décarbonées).

La lente érosion des exportations de biens à forte composante technologique dès la fin des années 1990, mise en relief par le commissariat au plan en 2004 / 2005, traduisait une perte de compétitivité globale de l’industrie et de l’économie française. Les travaux initiés par le groupe Futuris (en liaison avec le Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie) tout comme le tableau de bord de l’innovation réalisé par la commission européenne ont souligné l’insuffisance d’investissement en R&D, et les faiblesses de l’innovation à travers les nouveaux produits et services réellement commercialisés. L’injection de près de 19 milliards € étalés dans le temps sur les thématiques mentionnées ci-dessus devrait permettre  à terme de repositionner favorablement les entreprises des secteurs concernés.

Concernant l’université et la recherche les propositions avancées vont permettre de rattraper le retard en termes de moyens et d’investissements accumulés depuis 20 ans. Le sous investissement dans l’enseignement supérieur et la recherche a été dénoncé depuis de nombreuses années par l’OCDE. L’idée est de faire émerger des campus à vocation mondiale, sélectionnés par un jury international, qui bénéficieraient de ces financements pour porter des projets innovants. Des bourses d’attractivité vont être lancées pour attirer des chercheurs étrangers et pour faciliter le retour des post-doctorants ayant quitté la France.

Cet investissement systématisé et orienté de façon élitiste vers des campus de classe mondiale et sur des projets en pointe participe de la remise à niveau de l’économie française dans le cadre de la mondialisation exacerbée. Cette dernière concerne non seulement les entreprises et leurs capacités innovantes mais également les Universités et les projets de recherche.

Il faut se garder d’imaginer que le secteur privé investira fortement sur des projets à risque. L’exemple du capital-risque français montre que les investissements d’amorçage n’ont pas bénéficié de l’apport de capitaux privés sauf exception, ce qui a limité le nombre de projets arrivant à maturité. Seule la création de FCPI à finalité innovation, dont l’intérêt est avant tout fiscal pour les détenteurs de ces titres, ont permis de maintenir un flot d’investissement pour les quelques dizaines de jeunes entreprises qui chaque année bénéficient de fonds d’amorçage supérieurs à 1 million €. Dans ces conditions l’investissement public en plus de ses vertus propres de source de fonds pour des projets innovants est une garantie stratégique car il permet d’anticiper le futur en amorçant ce que le secteur privé ne pratique pas.par aversion à des niveaux de risque élevés. Une des règles de base de la réussite du financement des projets risqués  c’est qu’en phase d’amorçage le financement soit public ou quasi-exclusivement. Le financement mixte public / privé est à réserver aux phases postérieures.

Cet emprunt dont la charge future est contestée par certains à le mérite de remettre l’économie française sur la voie d’une compétitivité accrue et de préparer les fondations d’un futur porteur. C’est un rattrapage par rapport au sous-investissement passé. Sans emprunt ciblé sur des campus d’excellence, des innovations et des projets porteurs l’économie française serait condamnée à gérer le déclin. La bonne gestion de l’octroi des ressources selon les thématiques retenues et leur application sur des projets porteurs est la meilleure garantie de réussite de la bonne utilisation des financements concernés. Ce ne sont ni les bons projets, ni les entrepreneurs qui manquent en France mais souvent les ressources financières. La nouvelle architecture du système français de recherche  et d’innovation (SFRI) dont les agences sont  renforcées, et parmi celles-ci l’ANRT pour les projets de recherche et OSEO pour les projets d’innovation industriels et de services, est une garantie de bon ciblage dans l’usage des fonds. Le grand emprunt dans son schéma actuel c’est la possibilité de construire et d’anticiper un futur porteur et non pas de gérer le déclin.

La communauté universitaire est dans l’attente d’une réelle concrétisation de ces financements dont l’approche très sélective ne fait pas nécessairement l’unanimité après des années de vache maigre.



Daniel Bretonès