Où va la Place financière de Paris ?
NYSE Euronext prévoit la délocalisation de sa plateforme informatique des marchés « actions et obligations » d’ici à 2010. La plateforme d’Aubervilliers fonctionnera alors en sauvegarde de son homologue londonienne.
Londres, localisée hors de la zone Euro, deviendra le centre primaire de cotation des actions et obligations de la zone Euro.
Dans le cadre de la dérégulation des marchés financiers induits par la Directive MIFID de nouveaux opérateurs « Bourses alternatives » comme les plateformes CHI-X ou BATS Europe se sont développées et elles mènent la vie dure aux bourses traditionnelles dont elles rognent les parts de marché en s’appuyant sur des coûts inférieurs. Ces entreprises à bas coûts, « les Ryan Air et Easy Jet » de la finance action et obligation sont les nouveaux tigres et s’appuient sur des outils technologiquement très performants.
Les arbitragistes londoniens assurent le volume d'ordre permettant de limiter la réduction des volumes traités. La vitesse d'exécution devenant un paramètre clé pour réduire le temps de latence entre le déclenchement des ordres et leur traitement par les plateformes, NYSE Euronext s'est engagée à rapprocher sa plateforme des arbitragistes londoniens. NYSE Euronext prétend dans ces nouvelles conditions compenser le désavantage qu'elle aurait vis à vis des « Bourses alternatives ».
Cependant compte tenu des performances accrues de l’informatique et des réseaux (fibre optique) on peut se demander si passer des ordres pour les arbitragistes sur un système situé à moins de 300 km ( Aubervilliers) est vraiment plus rapide que de le faire sur des plateformes situés en banlieue londonienne. La meilleure réponse n’aurait-elle pas été de rester parisien avec des plateformes aussi performantes que celles des « nouveaux tigres » !
Il est clair que deux ans après que Euronext ait été absorbé par le NYSE pour assurer son indépendance face à la place de Londres, le pilotage de l’ensemble est américain avec une externalisation des plateformes hors de Paris et sur la place de Londres. Les marchés « actions et obligations » en Euro vont être traités depuis des plateformes et des opérateurs situés hors de la zone « Euro ».
C’est le fruit d’une stratégie murie depuis trois ans et corollaire des difficultés d’Euronext à s’engager dans une négociation très avancée avec Deutsche Börse.
Le schéma qui aurait pu être approfondi était que cette dernière confie son marché « actions et obligations » à Euronext et que les produits dérivés parisiens soient traités sur la place de Francfort. Dans ces conditions les volumes traités à Paris auraient été supérieurs et de ce fait plus compétitifs. Ce projet n’a pas été initialisé par les pouvoirs publics comme l’a été le projet « Airbus » mais par des opérateurs privés. Le résultat est que les ordinateurs Parisiens vont prendre l’Eurostar à destination de Londres. On pourra toujours se consoler en soulignant que ce dernier est fabriqué par Alsthom, joyau de l’industrie française.
Un projet pour Paris Europlace qui a terminé son symposium annuel il y a peu serait de déterminer dans quelles conditions des « Bourses alternatives concurrentielles » sur les marchés d’actions et d’obligations en « Euro » avec un centre de décision français pourraient être implantées en France.
Sous quelles conditions la place de Paris et l’Ile de France pourraient-elles devenir un centre à bas coûts « low cost » compétitif au niveau européen?
La plateforme à bas coûts «Turquoise » recherche des investisseurs il y a peut-être une opportunité de relancer le marché « actions et obligations » depuis Paris sur la zone Euro. Encore faut-il le vouloir et déployer la stratégie conséquente !
Quant aux produits dérivés il serait souhaitable que la place de Paris définisse rapidement un projet pour localiser dans la zone Euro la chambre de compensation des dérivés de gré à gré en euros. Sur ce sujet les autorités de tutelle françaises sont discrètes et la commission européenne l’est autant.
Si rien n’est fait rapidement dans ce domaine la place de Londres se positionnera également sur les dérivés en euros.
Ce projet stratégique devrait faire partie de ceux sélectionnés dans le cadre du « Grand emprunt ». N’oublions pas que les plus grandes banques britanniques dont RBS ont été nationalisées pour ne pas faire faillite par l’actuel gouvernement britannique, sans quoi toute la place de Londres en aurait été affectée.
Le système bancaire britannique ne tient debout que grâce à ces nationalisations massives qui lui ont évité la faillite et les français ne devraient pas avoir d’état d’âme pour financer des projets financiers, sur fonds publics, qui portent la place de Paris et consolident sa position.
Il est clair dans ce domaine que c’est l’intention qui est déterminante. Les prochaines semaines nous feront connaître les orientations prises en la matière !
Daniel Bretonès 11 septembre 2009