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Catégorie : Notes de conjoncture
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Est-ce une malédiction dont les deux termes forts antipathiques sont de style « Beaumarchais : ou la maladie vous tuera ou ce sera le médecin » !  Aussi  nous faut-il analyser les deux aspects de ce dilemme et voir s’il n’y a pas une troisième solution qui devrait s’imposer d’elle-même (en n’oubliant pas la prédiction de Virgile : «  les Dieux aveuglent ceux qu’ils veulent perdre. »)

I  le danger du « Double Dip »

La reprise aux Etats-Unis a lieu .Même si la croissance au Ier Semestre n’est que de 0,8 % elle est positive et en sensible amélioration au 2ème trimestre ( 1,3 % )par rapport au 1er (0,4 %).Les trois piliers de l’économie : la construction ,l’automobile et les stocks sont plutôt en reprise mais cela n’est pas suffisant pour résorber la masse de logements « forclaused « par des propriétaires qui les ont achetés « non recourse » et ont pu les abandonner lorsque la valeur de leur résidence atteignait un prix  sensiblement inférieur au coût de leur « Mortgage »
Les différents plans de soutien à l’économie (Quantitative Easing 2 et 3) ont permis d’éviter une catastrophe mais ils n’ont pas suffi à relancer  l’immobilier. Il serait donc utile de faire un 3ème Q.E.pour compenser la faiblesse actuelle de la vitesse de circulation de la monnaie (le V de la formule de Fisher). Cette dernière s’est, en effet, ralentie devant les craintes mondiales posées par les difficultés de la 2ème monnaie mondiale l’Euro. Cette opération aurait deux avantages : mettre un peu plus d’argent dans le public pour faciliter la reprise des investissements immobiliers, mais, comme elle aurait aussi « l’avantage » d’inquiéter les investisseurs internationaux, cela  ferait baisser le dollar et faciliterait le commerce extérieur(politique dite « de dévaluation concurrentielle »).
Mais on se heurte à une difficulté majeure : La Chambre des Représentants est majoritairement Républicaine avec une domination « morale  »  des membres du Tea Party. Ceux--ci font avec succès, auprès des Républicains modérés, le chantage qui consiste à les menacer de  leur opposer aux prochaines élections, des membres de cette «  tribu  » , quitte à assurer la victoire de « Démocrates » ; Cette politique à été parfaitement efficace dans une élection locale dans l’Etat de New York  où le Tea Party a fait passer un Démocrate dans un « comté » totalement Républicain. Ainsi, par un autre chantage, (le refus possible d’augmenter le plafond de la dette) les Républicains ont obtenu que soit pratiquée une politique déflationniste. Il faut noter par ailleurs que la FED est extrèmement divisée certains Gouverneurs prenant parti contre un nouveau Q.E.
En conjuguant cette « politique  » très « conservatrice »  et la modestie de la reprise économique, on risque ce « Double Dip » aux U.S.A. qui fait peur pour « l’Avenir du Monde »

Il en est de même en Europe .La presse populaire allemande joue un rôle très semblable à celui du Tea Party, même si les motivations sont différentes. Beaucoup d’Allemands ne comprennent pas que les Pays du Sud de l’Europe leur assurent un double avantage : ils leur achètent une part importante de leurs exportations (50 %) et, en empêchent l’Euro de trop monter, ils aident au développement hors zone Euro de leur commerce international. Tout l’argumentaire du « Spiegel » est de dire que les sacrifices faits par l’Allemagne depuis 10 ans ne doivent pas servir à aider des pays qui travaillent moins (ce qui est faux) et sont plus corrompus (ce qui est malheureusement vrai)
Ainsi  les Pays de l’Europe du Nord  obligent tous les Pays de la Zone Euro à réduire leurs déficits.  Ces politiques entraînent une réduction des demandes intérieures donc des achats de produits étrangers rendant l’équilibrage des balances des comptes encore plus  irréalisable. C’est le type même du cercle vicieux où les déflations de chaque pays provoquent un affaiblissement des autres
Cela explique les faibles résultats de la croissance au cours du 2 ème trimestre 2011 (0 % en France et… 0,2 % en Allemagne.)

Si l’on accepte cette analyse, le « double dip » mondial semble assuré. Mais une question se pose. Olivier Blanchard économiste du F.M.I. désirait que le taux acceptable de hausse des prix soit porté de 2 à 4 % ce qui aurait selon lui un double effet réduire les dettes des Etats et inciter les ménages à accélérer leurs achats, augmentant ainsi le montant MV. Par contre il y a un danger que cette inflation ne serve qu’à provoquer un malaise économique sans assurer une véritable relance  (Stagflation).Cela nous oblige à envisager le danger inflationniste.

II. L’Inflation.

Deux questions sont posées qui dépendent l’une de l’autre   :
S’il y a « Double Dip » américano-européen, cela entraîne t’il une crise dans les pays émergents, Chine en tête ?
Si les pays émergents arrivent à se désolidariser de l’Occident n’y a t-il pas un danger « d’inflation de coût dans nos pays  » ?

A- La Chine fait un effort important pour diversifier ses exportations et pour améliorer la demande intérieure. Elle reste cependant très dépendante des exportations vers l’Europe et l’Amérique et donc serait directement  victime d’un manque de dynamisme américain et européen. Bien plus, comme elle contrôle mal son inflation qui atteint 6,5 %, elle cherche à réduire un peu son taux de croissance .Elle cherche en effet à le maintenir autour de 8 ,5 % en augmentant régulièrement les taux de « deposit » des banques et en élevant régulièrement le taux à court terme .Tout cela pourrait provoquer une récession interne.

B - Prenons l’hypothèse optimiste : les pays émergents ne souffrent pas trop de la crise européano-américaine .Dans ce cas la demande de matières premières devrait s’accélérer. Par ailleurs les Chinois ont du mal à contrôler les salaires industriels et cherchent dans le même temps à améliorer le niveau de vie des campagnards pour essayer de limiter leur immigration vers les villes. Enfin ils tentent de libéraliser très prudemment le Yuan. Tout cela provoque dans les pays importateurs (Etats Unis et Europe) une hausse des coûts qui n’est pas totalement répercutée dans les prix grâce à l’importance du chômage qui provoque un relatif blocage des salaires .Une seule exception l’Allemagne qui, après 10 ans d’austérité, profite de son exceptionnelle aisance pour effectuer un certain rattrapage salarial.
Au total si on laisse le système inchangé on risque d’avoir à la fois un « double  dip » et de l’inflation.

Mais pour comprendre  le problème posé, il faut revenir à l’analyse de la crise économique

III. Retour sur l’analyse de la crise économique.

Tous les raisonnements actuels font abstraction de deux phénomènes qu’on ne devrait pas négliger :

a.    il existe une crise économique dans le monde occidental due aux décalages de coûts salariaux entre les différents pays ou si l’on veut, comme les Américains l’analyser en terme de balance Commerciale un déséquilibre de parité monétaire entre les pays émergents et l’Amérique et entre les Etats –Unis et l’Europe. Ce déséquilibre est aggravé par les investissements à l’étranger. Ainsi la France reçoit annuellement environ 45 milliards d’Euro et exporte 105 milliards, déficit voisin de celui de la Balance de nos Comptes)
b.    Il existe une dérive des masses monétaires mises sur le marché par les banques Centrales soit vers les produits dérivés (la position ouverte est toujours autour de 600 trillons de dollars dont il faut extraire au moins  500 trillons de swaps qui n’utilisent pas de fonds propres,) soit vers d’autres types de spéculation (matières premières par exemple. Ainsi on peut citer la position ouverte en pétrole qui représente environ 50 fois la production annuelle)

On ne peut pas être trop pessimiste à ce sujet puisque le niveau de vie des pays émergents s’améliorant on peut espérer des redressements de balances de comptes des pays occidentaux ;

IV conclusion : le pire n’est pas toujours sûr

En fait on retrouve une situation qui rappelle un peu l’Après-Guerre : L’Amérique avait accumulé des réserves énormes face à une Europe ruinée. Elle en est sortie par le plan Marshal c’est à dire par une aide financière utilisable uniquement pour assurer des investissements permettant une reprise économique chez les principaux belligérants. A l’heure actuelle, la Chine, à l’échelon mondial et l’Allemagne à celui de la Zone Euro, se retrouvent dans une situation semblable. Ces deux pays ont accumulé des fonds très importants et le monde entier se pose le problème de savoir comment sortir de cette situation, si l’on veut éviter une forte «Stagflation », c’est à dire à la fois un « Double Dip  » et de l’« Inflation  ».
Il n’y a que trois solutions ;
A.    La solution recherchée par les Etats-Unis en Chine : augmentation de la demande intérieure par des hausses de salaires et réévaluation du Yuan. La hausse assez forte des salaires allemands peut jouer un peu ce rôle, mais on voit que cette politique est lente à avoir son plein effet.
B.    Un plan Marshal des pays de l’Europe du Nord vers le reste de la Zone ce qui paraît impensable vu l’état d’esprit des électeurs de ces pays (en particulier la Finlande)
C.    Réaliser l’équivalent du plan Marshal par un développement des investissements privés vers les pays du sud de l’Europe pour les aider à concurrencer les pays émergents .Cette solution est certainement la meilleure. Il serait malheureux cependant qu’elle soit le fait de pays extérieurs à la Zone Euro comme la Chine qui a commencé son implantation en Grèce et au Portugal ;

Dans tous les cas pour éviter un développement de la stagflation il est impératif de prendre conscience de l’erreur fondamentale des politiques actuelles, mais il semble bien que les hommes politiques européens  (Kohl par exemple) commencent à en prendre conscience.