Se projeter dans les étoiles n’est pas que le fruit de l’imagination. A défaut d’aller sur la lune ou sur mars, dans un premier temps la conquête de l’orbite basse terrestre entre 400 km et 1500 km est un lieu de rendez-vous très prisé ! En effet les méga-constellations de satellites constituent l’enjeu majeur du Nouvel espace ou Novespace. Ces dernières permettent d’offrir des connexions à haut débit à des millions de clients, à pilotage des milliards d’objets dont des millions de voitures autonomes, de contrôler la navigation des drones et bien plus encore en matière de surveillance et d’intelligence économique.
Elon Musk a déjà lancé 900 satellites pour sa constellation Starlink et prévoit de monter à 30.000 satellites ou plus. Jeff Bezos souhaite déployer 3000 satellites pour commencer envisagerait un projet à 30 000 satellites. Près de 9000 satellites évolueraient dans le ciel de notre planète où ils y ont été lancés depuis 50 ans. La croissance rapide par dizaines de milliers de ces nouveaux satellites petits et peu chers pose le problème de l’encombrement de l’orbite basse. Les premiers positionnés prendront les positions les plus avantageuses et devaient disposer des meilleurs fréquences. La Commission des communications fédérales américaine (FCC) attribue des licences à tour de bras à Starlink (Elon Musk), à Amazon (constellation Kuiper) et à One Web, société américaine. Dans le cadre de la compétition américano-chinoise les États-Unis visent à saturer l’orbite basse pour la contrôler et empêcher chinois et accessoirement russes d’y prendre pied.
One Web, cette entreprise américaine sortie de la faillite par le gouvernement britannique et le groupe indien Barthi, est un débouché majeur pour Airbus Aerospace. Il faut noter que les prototypes des satellites commercialisés par One Web ont été développés sur Toulouse mais que la production en série est partie sur les États-Unis. Les Britanniques et leur alliés indiens étant devenus les pilotes de One Web le retour de la production à Toulouse est peu probable. Sujet intéressant au moment on l’on parle de localiser ou relocaliser la production industrielle dans l’hexagone !
Quant à l’UE elle a déclaré être non intéressée dans ce projet de reprise de One Web avec recapitalisation. Les Britanniques ont montré leur aptitude à se focaliser sur ce dossier stratégique en réagissant très rapidement pour une mise de fonds de 500 millions de US $, ce qui est un ticket modeste pour rentrer sur l’orbite basse. One Web est en train de réviser ses objectifs à la hausse négocie des licences pour plus de 1000 satellites avec la FCC.
Mais que font les européens alors que One Web est passée sous contrôle britannique même si Airbus participe de manière significative à la fourniture des satellites de cette constellation. Selon Thiery Breton, commissaire au marché intérieur de l’UE, pour réussir l’Europe de l’espace cette dernière doit changer son modèle économique. Il s’agit d’abaisser le coût de ses lanceurs, de développer ses propres moyens de gestion du trafic spatial et de savoir travailler avec les jeunes pousses. Or nous n’avons en Europe ni les Jeff Bezos ni les Elon Musk qui savent sortir des sentiers battus et sont des entrepreneurs visionnaires en revanche nous avons des compétences industrielles sur le sujet. Le problème c’est que les trois projets mentionnés « Starlink, Kuiper et One Web » vont saturer l’orbite basse terrestre et l’Europe aura probablement les miettes de ce marché qui sera principalement étasunien et accessoirement britannique. Il risque de se produire sur ce marché des communications en orbite basse ce qui s’est passé dans le monde du numérique avec les GAFAs. Le marché sera contrôlé par des intérêts non européens. L’Europe n’aura plus alors qu’à édicter des normes pour la régulation du trafic comme la RGPD est intervenue longtemps après que les GAFAs aient pris le contrôle de marchés gigantesques qu’ils ont créés et source de profits plantureux. L’Europe a montré à l’occasion de la pandémie Covid qu’elle savait prendre des décisions mais que ses processus décisionnels étaient longs et incertains lorsque les qualités requises sont : la vision, la vitesse et une exécution opérationnelle de haut niveau. A titre d’illustration en matière de Covid l’entreprise Valneva, localisée en France arrête les discussions avec l’Europe après plus de neuf mois d’échanges sans résultat concret, pour négocier en direct avec plusieurs pays européens.
Sur ce sujet stratégique pour l’économie du XXI ème siècle de « l’orbite basse » on ne peut que s’incliner devant la performance des entrepreneurs états-uniens et de la FCC, et saluer la sagacité des Britanniques qui ont opéré un numéro digne des flibustiers en mer des Caraïbes au XVI ème et XVII ème siècle. Les Français ont également écumé la mer des caraïbes par le passé, avec succès comme le pirate Jean Laffitte toujours admiré en Louisiane pour avoir participé à la deuxième guerre d’indépendance des États-Unis de 1812 à 1815. Ils devraient s’en souvenir s’ils ne souhaitent pas récolter les miettes du festin de l’orbite basse et ne produire que le « Règlement Général de Gestion du Trafic Spatial » ou « RGGTS ».