Imprimer
Catégorie parente: Messages
Catégorie : Messages du Président
Affichages : 2497

Les médias décrivent chaque jour le nombre insuffisant de nos PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui ne permet pas de combler le déficit de notre balance commerciale, voisin de 70 milliards en 2011. 75 % des exportations françaises proviennent de l’industrie, les 25 % restants correspondant aux services. Il aura fallu la survenue de l’élection présidentielle en période de quasi-récession européenne pour que l’on se penche réellement sur les insuffisances du tissu industriel français qui a perdu plus de 500 000 emplois en 10 ans.

1- L’investissement dans les hommes et les nouvelles technologies

Le développement de ces PME requiert des fondamentaux forts en termes de marge et d’originalité des produits et des services proposés. L’allégement des charges, tout comme une fiscalité adaptée, sont incontournables pour que ces entreprises de petite taille et de taille intermédiaire puissent financer leur développement tout en restant compétitives dans la zone Euro. Cette prise de conscience quant à l’importance des PME et des industries de taille moyenne et leur incidence pour l’emploi est nouvelle quant à sa médiatisation pour le grand public. Fondamentalement l’orientation forte donnée aux services depuis 20 ans en France par rapport à l’industrie démontre ses limites. L’environnement nécessaire au développement de l’industrie est complexe. Il faut en effet investir pour moderniser les capacités industrielles, les optimiser grâce à l’informatique et robotiser lorsque c’est possible et nécessaire pour augmenter la productivité. Ceci suppose qu’en amont les financements soient disponibles pour ces plans de développement ambitieux tout comme pour les formations à l’utilisation des outils à haute valeur ajoutée ! Les Chambres de commerce, les banques régionalisées et les Directions régionales des entreprises, de la concurrence et de l’emploi (DIRRECTE) ont un rôle majeur à jouer dans cette nouvelle organisation des écosystèmes industriels et de services.

2- Les régions comme levier de développement

Le rôle des régions s’avère crucial pour une bonne coordination des ressources nécessaires aux acteurs du développement industriel en y intégrant les clusters et les pôles de compétitivité. La pratique nous montre que, sauf exception, les régions françaises n’ont pas les capacités de financement suffisantes tant pour investir fortement dans les entreprises existantes que pour aider les jeunes pousses à décoller rapidement et faire de la croissance. C’est l’environnement financier porté par les régions (financement des jeunes pousses et des PME) qui a besoin d’être revisité en profondeur pour en faire le moteur d’une croissance régionalisée et décentralisée, au plus près des acteurs locaux. Le rôle des Universités et des Ecoles s’inscrit dans la mise en place de formations répondant aux attentes des entreprises, des pôles de compétitivité et des clusters. Les agglomérations et les métropoles doivent être également en première ligne quant à cette réorganisation de l’écosystème pour le rendre plus favorable au développement et à la croissance des PME. Les pôles, clusters et les grappes technologiques seraient des creusets d’innovation au service des entreprises tout comme le sont les « Kompetenz Netzen » de nos voisins allemands. L’objectif serait de sortir du modèle classique de la sous-traitance pour faire d’une partie des sous-traitants qui le souhaitent et qui le peuvent, des entreprises à part entière disposant des marges de manœuvre suffisantes pour innover et s’internationaliser. Dans ce contexte ces entreprises sous-traitantes transformées en PME puis en ETI ne seraient plus les variables d’ajustements des grands groupes de distribution et industriels comme c’est trop souvent le cas. En tout état de cause, les régions ne peuvent que mettre en place des conditions favorables à l’obtention d’un écosystème performant et ce sont les entrepreneurs au sens schumpétérien qui feront la différence. Le financement par l’Etat de brevets dans des centres de recherche publics n’a de sens que si cette offre est valorisée au moins partiellement par des entreprises. Les chercheurs du Palo Alto Research Center de Xerox avaient développé les plus belles innovations en TIC dans la Silicon Valley dans les années 1970/80, mais ne les utilisaient pas, si ce n’est pour les montrer à des esprits curieux. Sans Steve Jobs et Bill Gates qui ont su mettre au point les objets intégrant les interfaces graphiques, les processeurs, les mémoires et les souris ces inventions ne seraient probablement pas passées à l’état d’innovation pour le grand public aussi rapidement. La régionalisation et les clusters constitueront également des opportunités de rencontres entre des entrepreneurs avides de développement et des technologies à utiliser différemment ou à faire émerger de manière originale dans des concepts et des objets nouveaux.

3- Le rôle central de l’Etat

Le rôle de l’Etat serait alors de coordonner l’interrégional tant en ce qui concerne les financements avec Oseo et le Fonds Stratégique d’Investissement ou la répartition des fonds octroyés au moyen du Grand emprunt aux institutions universitaires. Cette décentralisation indispensable à une bonne articulation entre le niveau régional et le national ne peut réussir sans une volonté forte. La France est en train de sortir du modèle Bonapartiste réglé administrativement et centralisé à un écosystème décentralisé et flexible. Cette transformation de l’économie Colbertiste des grands contrats à la Française a permis de développer des groupes de taille internationale des années 1960 aux années 2000, mais ne répond que partiellement en termes de création d’emplois sur le territoire national. La puissance publique doit appuyer ce mouvement de transfert de compétences vers les régions et les métropoles. Ce modèle d’économie décentralisée s’appuierait sur des jeunes pousses et des PME régionalisées et mondialisées ancrées dans leur territoire proposant une offre nouvelle et compétitive. Ce nouveau paradigme est indispensable pour répondre de manière pertinente aux attentes des entrepreneurs et aux contraintes de la mondialisation. Les brevets et droits de propriété intellectuelle développés dans les SAIC (Services d’activités industrielles et commerciales) universitaires, tout comme dans les grands centres de recherche, devraient être proposés aux entreprises par le biais des structures adéquates, pôles ou clusters et favoriser l’innovation ouverte. Ce nouveau mix rebattrait les cartes et permettrait de faire bouger les frontières du système actuel vers plus de flexibilité et d’innovation.
En matière financière, le rôle de l’Etat serait d’apporter les ressources nécessaires au meilleur taux en faisant pression sur la Banque Centrale Européenne pour qu’elle continue à assouplir sa politique monétaire et à abaisser son taux indicatif en se rapprochant de la politique de la Réserve Fédérale américaine tout en contrôlant l’émergence de bulles potentielles. Dans le contexte actuel un emprunt ciblé sur les entreprises industrielles n’apporterait pas tous les ingrédients nécessaires à la relance de l’économie car il s’agit de créer de nouvelles chaînes de valeur dans les écosystèmes territorialisés. L’objectif pour l’économie française pourrait être de redescendre à 2 millions de chômeurs au lieu des 3 millions actuels sur un horizon à 10 ans. Si rien n’est fait, le chômage pourrait atteindre le seuil de 4 millions d’ici 2020. Un emprunt a un coût pour la collectivité nationale, mais il faut le comparer avec le financement de un à deux millions de chômeurs de plus pendant 10 ans et le déclassement économique de la France en Europe et dans le monde. C’est le prix de l’assurance anti-déclin !
Le modèle libéral financier mis en place par les pouvoirs publics après 1981 et adapté aux entreprises du CAC 40 et aux grands groupes de distribution a fait preuve de son efficacité pour ces entreprises, mais il n’a pas permis de développer le tissu industriel comme en Allemagne ou en Italie. L’industrie française ne représente plus que 13 % du PIB contre 20 % pour l’Italie et 26 % pour l’Allemagne, deux pays où la régionalisation est plus poussée qu’en France. Il faut donc rajouter un volet de politique industrielle régionalisée au modèle libéral financier pour faire décoller ces nouvelles entreprises sources d’emploi. Le modèle financier axé sur la valeur actionnariale n’est pas incompatible avec le développement industriel comme le montre l’exemple de la RFA qui dispose de la première bourse continentale européenne « Deutsche Börse » qui la relie aux marchés financiers et des Länders décentralisés qui cultivent leurs PME en leur permettant de réussir brillamment à l’international.
Les limites des politiques industrielles mises en place depuis 20 ans sont démontrées par le déclin sur la durée et la perte de compétitivité de l’industrie française. Elles ne pourront être traitées sans remettre en cause l’organisation actuelle du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Le pôle Industrie devrait être rapproché de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche tout en ayant une articulation forte avec les régions pour accélérer le développement des écosystèmes propices aux entreprises territorialisées.

4- Le rassemblement mondial des Conseillers du Commerce extérieur

Les 9 et 10 février 2012, plus de 500 entrepreneurs français et « Conseillers du Commerce extérieur de la France » provenant de 50 pays se sont retrouvés dans un symposium à Miami. Ils ont évoqué le développement de leurs entreprises sur les principaux marchés mondiaux. Le renforcement de ce premier réseau d’affaires mondial français était la thématique centrale. Oseo et Ubifrance participaient à l’évènement, lequel a reçu la visite du secrétaire d’Etat aux PME, à l’Artisanat et au Commerce et aux professions libérales. La richesse et la variété des enseignements apportés par ces entrepreneurs ont montré que des entreprises de profils différents peuvent réussir à s’insérer dans la compétition mondiale avec succès dès lors qu’elles maîtrisent des savoir-faire spécifiques et disposent des compétences adéquates. La compétitivité est un des éléments clés de la percée sur les marchés extérieurs. L’originalité de l’offre de ces entreprises sur les marchés émergents à fort taux de croissance participe à leur réussite et à leur expansion. Elles doivent leur croissance et leur réussite à une mondialisation très souvent déployée à partir du tremplin hexagonal, et aux talents de leurs entrepreneurs.

Orientations

Ce que ces entreprises ont réussi à l’international, quelques milliers d’autres peuvent le faire si les conditions favorables sont réunies, notamment au niveau régional pour leur permettre d’éclore et/ou d’accélérer leur croissance. Les composantes de l’écosystème existent à travers les centres de recherche, les clusters, les régions et le nombre de Français désireux d’entreprendre ou ayant déjà une expérience entrepreneuriale. Le grand défi, c’est la mise en marche de cet écosystème avec les moyens financiers adéquats. L’enjeu, c’est le maintien de la France dans le peloton de tête des puissances industrielles à vocation mondiale ou la gestion d’un déclin qui semble amorcé. Les candidats à l’élection présidentielle sont confrontés à ce défi car ils seront jugés rapidement par leurs capacités à transformer le système industriel existant en un écosystème mondialisable, créateur de valeur et d’emplois. A l’échéance de la mandature, c’est sur des résultats concrets en termes de développement de jeunes pousses, de déploiement international de PME / ETI et sur les créations d’emploi que l’élu sera jugé ! Sans oublier la diminution du déficit commercial extérieur parallèlement à la réduction du déficit budgétaire.